L’Ordre de la Croix Rouge de Constantin
La franc-maçonnerie ne se contente pas de faire vivre l’héritage des confréries de Maçons du moyen âge, elle commémore aussi les Ordres de Chevalerie. On pense bien sûr tout de suite aux Templiers, célébrés en particulier dans les hauts grades du Rite Écossais Rectifié, du Rite Écossais Ancien Accepté et du Rite d’York. Mais d’autres d’autres ordres un peu moins connus sont honorés dans certains systèmes de hauts grades ou de Side Degrees maçonniques. C’est le cas de l’Ordre de la Croix Rouge de Constantin, qui s’inspire d’un Ordre qui existe bel et bien, l’Ordre Constantinien de St Georges. Qu’est-ce donc que cet Ordre de la Croix Rouge de Constantin ? D’où vient-il ? Et quels sont le fonctionnement et les légendes de l’Ordre de la Croix Rouge de Constantin ?
L’Ordre de la Croix Rouge de Constantin au sein de la franc-maçonnerie chevaleresque
On sait que l’engouement maçonnique pour les grades chevaleresques remonte au fameux discours de Michel de Ramsay, dont nous connaissons deux versions (1736 et 1737). Ce discours faisait explicitement remonter la franc-maçonnerie aux Croisades, lors desquelles les Chevaliers Croisés auraient dissimulé leur foi sous les symboles de la franc-maçonnerie. Très vite, l’intérêt suscité par cette légende s’orienta surtout vers les Templiers, dont le destin tragique frappait les imaginations et pouvait laisser supposer qu’ils avaient détenu quelque fabuleux secret. Mais les Chevaliers de Malte ne sont pas en reste, que l’on retrouve au Rite d’York.
L’Ordre de la Croix Rouge de Constantin s’inspire d’un Ordre beaucoup moins connu et moins prestigieux : l’Ordre Sacré et Militaire Constantinien de St Georges dont, il faut l’avouer, la plupart des gens ignorent jusqu’à l’existence. Cet Ordre fut fondé vers 1520, à Venise, par les frères Angelo, issus d’une famille de la noblesse albanaise ayant fui Constantinople lors de sa prise par les Turcs en 1453. L’Ordre fut reconnu par le pape en 1545, et la Grande Maîtrise héréditaire appartenait la famille Comnène, importante famille de la noblesse byzantine, dont provenaient plusieurs Empereurs d’Orient. Au gré de différents changements dynastiques, l’Ordre finit par devenir un Ordre honorifique de la maison de Bourbon-Siciles, où il est actuellement divisé en deux branches.
Cet Ordre, somme toute mineur dans l’histoire des Ordres chevaleresques, s’appuie sur une légende, selon laquelle il aurait été fondé par l’Empereur Constantin lui-même après la découverte de la Vraie Croix et serait donc le plus ancien ordre militaire de la chrétienté. Aucun ordre religieux et militaire n’ayant existé dans l’Empire byzantin, il ne s’agit que d’une légende, qui sera reprise par la version maçonnique de l’ordre.
Origine de l’Ordre de la Croix Rouge de Constantin
L’Ordre de la Croix Rouge de Constantin, maçonnique celui-là, apparut au en 1865, en Angleterre. On lit parfois qu’il aurait déjà existé en Angleterre vers 1780, mais étant donné qu’il y a plusieurs anciens degrés portant le titre de Croix Rouge (comme les Chevaliers de La Croix Rouge de Babylone, équivalent irlando-écossais du Chevalier d’Orient), il est difficile de se prononcer. Il nous semble personnellement peu probable qu’un ordre chevaleresque aussi anecdotique que l’Ordre Constantinien de St Georges ait pu intéresser des francs-maçons anglais vers 1780. Par contre, l’Ordre que nous connaissons aujourd’hui remonte à 1865, au moment de l’explosion de l’occultisme français et anglais, où tout était bon pour fonder de nouveaux ordres, souvent très fantaisistes.
L’Ordre de la Croix Rouge de Constantin a donc été fondé en 1865 par un curieux personnage, Robert Wentworth Little (1838-1878), que d’aucuns n’hésitent pas à considérer comme un charlatan et un affabulateur. Né à Dublin en 1838, il émigra en Angleterre en 1855, fut initié franc-maçon en 1861, fut très actif dans les Chapitres de l’Arche Royale et de la Maçonnerie de la Marque, pour créer coup sur coup l’Ordre de la Croix Rouge de Constantin (1865), la Societas Rosicruciana in Anglia (1867), le Rite Ancien et Primitif de Misraïm (1870, dissout en 1871) et l’Ancient Archeaological Order of Druids (1874). Nous laissons le lecteur juge de cette carrière météorique et prolifique, dont l’essentiel des activités ne repose sur aucun fondement sérieux et vérifiable.
Organisation et légendes de l’Ordre
L’Ordre de la Croix Rouge de Constantin comporte trois degrés (Chevalier-Maçon, Prêtre-Maçon et Prince-Maçon) et deux Ordres additionnels qui lui sont joints : l’Ordre du St Sépulcre et l’Ordre de St Jean l’Evangéliste. Les bijoux des trois premiers degrés sont imités de ceux de l’Ordre Constantinien de St Georges, attestant que Little en avait connaissance.
La légende de l’Ordre le fait remonter à l’Empereur Constantin, qui l’aurait fondé après sa victoire sur l’empereur Maxence au pont Milvius en 312. Selon la légende généralement admise, le monogramme du Christ (le Chrisme) serait apparu à Constantin avant la bataille, et il aurait entendu une voix lui disant "In Hoc Signum Vinces", par ce signe tu vaincrais. Il aurait fait réaliser un étendard portant le Chrisme (le Labarum) et fait peindre ce signe sur le bouclier de ses soldats, et c’est ce signe qui lui aurait valu la victoire et l’accession à la fonction impériale. Quel lien cette histoire aurait-elle avec la franc-maçonnerie ? Aucun, si ce n’est que la légende lue au récipiendaire du premier degré rapporte que Constantin était initié aux Mystères des Collegia Artificium, les Collèges des Artisans romains, que l’on peut considérer comme une forme de franc-maçonnerie avant la lettre.
L’Ordre du St Sépulcre est attenant à l’Ordre de la Croix Rouge de Constantin. Il fait allusion aux Chevaliers organisés en 1099 par Godefroy de Bouillon en une milice chargée de protéger les Lieux Saints. Mais la légende exposée dans le rituel nous dit que l’Ordre du St Sépulcre fut en réalité fondé en 329 par Ste Hélène, la mère de l’empereur Constantin, qui lors d’un pèlerinage en Terre Sainte, avait retrouvé la Vraie Croix.
Quant à l’Ordre de St Jean l’Évangéliste, sa légende est assez maladroite. Elle commence à rapporter que l’Empereur Julien l’Apostat ordonna de rebâtir le Temple de Jérusalem. Il est historiquement avéré que cet empereur, dans sa tentative de s’opposer au développement du christianisme, qui avait acquis droit de cité à Rome depuis l’an 313, favorisait les anciens cultes et ordonna que le Temple de Jérusalem soit reconstruit ; mais le chantier fut abandonné à sa mort. La légende du grade, en partie inspirée par celle de l’Arche Royale, rapporte que pendant les travaux, les ouvriers trouvèrent une voûte souterraine, dans lequel celui qui descendit découvrit un livre enveloppé dans une toile de lin, qui n’était autre que l’Évangile de Jean. De cette découverte, les Chevaliers déduisirent que Dieu ne souhaitait pas cette reconstruction, puisque ce livre présente la destruction du Temple comme un décret divin.
Le légende des Chevaliers de St Jean l’Évangéliste se poursuit en rappelant, à l’instar du Discours de Ramsay, que la franc-maçonnerie avait servi aux Chevaliers Croisés à dissimuler leurs secrets. Et à titre d’exemple, la légende montre que le récit de la mort d’Hiram ne faisait que représenter symboliquement celle du Christ. Cela fait donc bien des mystères pour finalement retomber sur la foi chrétienne la plus classique et prétendre découvrir l’Évangile de Jean, pourtant exposé en Loge depuis le grade d’Apprenti !
L’Ordre de la Croix Rouge de Constantin et ses deux ordres associés forment un très étrange système, qui n’a guère de cohérence sinon la vénération du rôle de l’empereur Constantin et la promotion d’une forme de christianisme tout à fait classique et traditionnel. On peut légitimement s’interroger sur l’intérêt de sa présence parmi les corps associés à la franc-maçonnerie, car il n’apporte aucun élément spécifiquement maçonnique. Le rituel des Chevaliers de St Jean l’Évangéliste annonce pourtant la révélation des "ultimes buts de la franc-maçonnerie" : on est bien loin du compte !
L’Ordre de la Croix Rouge de Constantin dans le monde
Organisé en Grands Conclaves Impériaux, dont le premier est le Grand Conclave Impérial pour l’Angleterre et le Pays de Galles, l’Ordre est aujourd’hui présent dans une cinquantaine de pays ou de territoires. Si la plupart disposent de leur propre Grand Conclave Impérial, 18 d’entre eux dépendent directement du Grand Conclave anglais (en Europe, il s’agit de la Belgique, de la Bulgarie, des Pays-Bas et de la Roumanie) et quelques uns du Grand Conclave écossais.
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