La Croix Ankh et la franc-maçonnerie

Popularisée par la contre-culture des années 60, la Croix Ankh est bien connue de nos jours, aussi bien des milieux ésotériques que des adeptes de la culture gothique, pour lesquels elle est souvent associée aux vampires. La Croix Ankh est également un motif très utilisé dans le monde du tatouage. Mais quelle est l’origine exacte de cette Croix Ankh ? Quelle peut bien être la signification symbolique de la Croix Ankh ? Et peut-on lui trouver quelque rapport avec la franc-maçonnerie et son symbolisme ? C’est ce que nous allons découvrir.

L’origine de la Croix Ankh

Dénommée aussi Croix Ansée, Croix de Vie ou Croix Égyptienne, la Croix Ankh nous vient de l’Égypte ancienne, où elle est apparue sous la Première Dynastie (3150-2850 avant l’ère chrétienne). Ce symbole est très souvent représenté dans l’art égyptien ancien, où il est généralement tenu en main par les dieux. Signe de la Vie supérieure du divin, on voit souvent la Croix Ankh présentée horizontalement à la bouche d’un personnage (généralement le Pharaon), comme pour lui insuffler cette vie.

Le nom Ankh, ou Anokh, signifie en ancien égyptien "Vie" ou "Je suis", et l’on peut certainement le mettre en relation avec l’hébreu Anokhi, "Je". Il nous parle donc de la nature profonde de l’être, et probablement, à l’origine, de l’essence même des dieux.

Certains ont cru voir dans la Croix Ankh l’origine de la Croix chrétienne. Mais c’est certainement abusif, car le symbole de la croix se retrouve dans pratiquement toutes les civilisations, sans qu’aucun rapport de filiation ne les relie forcément entre elles. Mais il est par contre avéré qu’une croix chrétienne particulière, la Croix Copte, descend par sa forme de la Croix Ankh. La forme de l’anse y a simplement pris une forme réellement circulaire et non plus ovale.

Signification symbolique de la Croix Ankh

Comme toutes les croix, la Croix Ankh met en évidence une dualité, soit l’opposition entre le haut et le bas, le ciel et la terre, la matière et l’esprit. Mais la caractéristique unique de cette croix est sa forme très particulière : au lieu d’être le simple croisement d’une horizontale et d’une verticale, elle se présente comme une croix en Tau surmontée d’une sorte de boucle ovale.

On pourrait donc comprendre la branche verticale comme une image de la vie matérielle, la vie concrète. Les bras de la Croix marquent une limite et pourraient être interprétés comme une figuration de la mort physique. Et la boucle qui surplombe le tout pourrait désigner l’ouverture sur un autre niveau de conscience et de vie, l’au-delà. Certains voient plus précisément dans ce symbole une représentation de la doctrine de la réincarnation, la courbure de l’anse représentant le cycle des morts et renaissances. Cette interprétation est intéressante, mais manque de base historique, car n’est   pas démontré  que les anciens Égyptiens croyaient en la réincarnation.

Plus généralement, la Croix Ankh peut être vue comme image de la Terre et du Ciel, et rejoindrait ainsi le symbolisme maçonnique de l’Equerre et du Compas. La Croix en Tau est en forme de double équerre et pourrait donc représenter le monde matériel, marqué par le nombre Quatre, et la forme quasi circulaire de l’anse pourrait rappeler le Compas, symbole du Ciel, marqué du nombre Un.

Pour d’autres, la Croix Ankh serait un symbole unissant la masculin et le féminin, l’actif et le passif : la Croix en Tau serait ainsi un symbole phallique, alors que l’anse évoquerait la matrice. Cette interprétation ne serait pas incompatible avec ce que l’on sait des mythes égyptiens, où tous les dieux masculins avaient une épouse et qu’ensemble ils engendraient un fils, formant ainsi une Triade (Osiris-Isis-Horus, Ptah-Sekhmet-Nefertoum….).

Comme c’est le cas de tous les symboles, chacun peut trouver dans un symbole donné des interprétations qui lui parlent. C’est la force du symbole que d’ouvrir ainsi un champ d’interprétation multiple, dans une forme de processus créatif ouvrant à une meilleure compréhension de soi-même.

La Croix Ankh en franc-maçonnerie 

La Croix Ankh n’est pas un symbole maçonnique, mais on la retrouve souvent représentée sur les décors maçonniques des Rites dits Égyptiens. Au même titre que le Scarabée, l’Œil d’Horus ou l’Œil de Râ, la Croix Ankh figure donc dans le décorum égyptien de ces Rites, sans y jouer de rôle particulier dans les rituels. Tout au plus l’Ancien Rite Oriental de Memphis la fait-il figurer au côté de l’Acacia comme symbole de renaissance et de régénération.

Mais curieusement, ce n’est pas dans la mouvance des Rites maçonniques égyptiens, amorcée dès le XVIIIe siècle, que l’on trouvera les plus anciennes occurrences de la Croix Ankh, mais dans un Ordre de la mouvance templière : les Clercs du Temple, système de hauts grades mêlant rosicrucianisme et templarisme, qui prétendait être la survivance de la branche sacerdotale de l’Ordre du Temple, la seule à détenir les vrais secrets de l’Ordre. Fondés en 1766 par le ministre du culte protestant Johann August von Starck (1741-1816),  les Clercs du Temple s’unirent à la Stricte Observance Templière au Convent de Kohlo en 1772. Dans les deux plus hauts degrés de ce système, Novice et Chanoine, l’autel était orné d’une Croix Ansée, qui figurait également sur les documents officiels de l’Ordre. Elle était interprétée dans ce système comme l’union des principes masculin et féminin.

Il faut enfin relever que selon certains, le Tau et Triple Tau de l’Arche Royale remonteraient à la Croix Ankh. L’anse symbolisant le Ciel et la transcendance y serait seulement invisible, ne laissant que la forme du Tau. Cette interprétation est assez audacieuse, mais n’est pas sans intérêt. Nous n’avons cependant pas pu vérifier son bien-fondé et laissons aux francs-maçons de l’Arche Royale le soin de se prononcer.