George Washington, Père Fondateur et premier Président des États-Unis d’Amérique, fut un éminent franc-maçon, c’est bien connu. Mais si l’on sait qu’il fut franc-maçon, on connaît relativement peu la vie, la carrière politique et militaire de George Washington, du moins en Europe. Quel fut donc le parcours extraordinaire de cet homme ? Et le fait d’avoir été franc-maçon a-t-il influencé la carrière publique de George Washington ? Nous allons dans cet article tenter de cerner la destinée de cet illustre franc-maçon qui fut l’une des plus  grandes figures de l’histoire américaine.


Les premières années de George Washington 


George Washington naquit le 22 février 1732 à Pope’s Creek dans la colonie anglaise de Virginie, dans une famille de riches planteurs de tabac. Quand on l’on sait le rôle qu’il jouera dans l’Indépendance américaine, il est amusant de relever qu’il reçut le prénom de George en hommage au roi George II ! Ayant reçu une excellente éducation, il se révéla particulièrement doué pour les mathématiques et la topographie. À l’âge de 16 ans, il devint arpenteur et cartographia d’importantes portions de territoire en Virginie puis dans les territoires de l’Ouest.


En 1752, son demi-frère, Lawrence Washington (1717 ou 1718-1752), mourut de tuberculose. Il était militaire, avait servi sous le vice-amiral Vernon dans les Caraïbes et était le commandant de la milice de Virginie. George lui succéda alors à la tête de cette milice et amorça ainsi sa carrière militaire.



Carrière militaire au service de l’Angleterre


En 1755, envoyés chasser les Français qui s’étaient installés dans l’Ohio, Georges Washington et ses hommes tuèrent 30 miliciens canadiens conduits par le sieur de Jumonville, qui perdit la vie à cette occasion. Cet événement, que les Français qualifièrent de meurtre, fit connaître Washington aussi bien en Virginie qu’à Londres. Le frère de Jumonville, à la tête de 500 hommes, parvint à capturer Washington, qui ne fut relâché qu’après avoir signé une confession écrite à propos du meurtre de Jumonville. Washington prétendra toujours qu’il s’agissait d’une méprise et qu’il avait signé un document en français qu’il ne comprenait pas.


Cet incident fait partie des nombreuses escarmouches qui annonçaient la Guerre de Sept Ans (1756-1763), que l’on peut considérer comme la première guerre de dimension mondiale, puisque les opérations militaires se déroulèrent bien sûr en Europe, mais aussi en Amérique et en Inde.


En 1755 toujours, Washington devint l’aide de camp du général Braddock, commandant en chef des forces britanniques en Amérique. Il participa à la campagne qu’entreprit Braddock pour prendre Fort Duquesne, en Ohio, campagne qui se solda par un cuisant échec pour les Anglais et vit leur général en chef tomber au champ d’honneur. Lors de la bataille de Mohongahela, qui marqua le terme de cette campagne, Washington sut habilement organiser l’arrière-garde anglaise et permit à l’avant-garde de se replier, ce qui eut pour effet de limiter le nombre de pertes dans les rangs britanniques. On l’appela dès lors le Héros de Mohongahela, et il prit ainsi la stature de héros militaire américain. Il fut alors chargé de garder la frontière occidentale de la Virginie, avec un effectif assez réduit.


En 1758, le général Forbes lança une nouvelle opération pour déloger les Français de Fort Duquesne, qui fut cette fois-ci un succès. Washington y participa, mais ce fut sa dernière campagne du côté anglais. Il se retira alors sur ses terres, où il se maria en 1759.


Du planteur prospère au premier Président des États-Unis 


De retour sur ses terres, Washington s’appliqua à les rendre plus rentables, en sélectionnant de nouvelles semences et en expérimentant des nouveaux outils. Il acquit de nouvelles terres, diversifia ses activités en exploitant des pêcheries et mena grand train, faisant venir des meubles et des vins d’Europe et organisant de somptueuses réceptions.


Mais alors qu’il s’enrichissait, Washington se trouvait de plus en plus confronté aux mesures économiques imposées par Londres aux colonies américaines, et au monopole des produits importés d’Angleterre. Comme la plupart de ses compatriotes, ce sont avant tout des raisons économiques qui ont progressivement rendu Washington hostile à la métropole anglaise. En 1769, il soutint la proposition de boycott des produits anglais présentée par son ami George Mason (1725-1792), le plus riche planteur de Virginie. Ces tensions commerciales s’accrurent les années suivantes pour aboutir à la fameuse "Boston Tea Party" de 1773, que l’on considère comme le premier acte d’insurrection préludant à la Guerre d’Indépendance.


La Guerre d’Indépendance débuta en avril 1775 et juin de la même année, Washington était choisi par la Convention Continentale pour être commandant en chef des forces armées insurgées. Le 4 juillet 1776 était signée la Déclaration d’Indépendance proclamant l’indépendance des Treize Colonies américaines, qui désormais formeraient les États-Unis d’Amérique. Et la Convention Continentale appela la France à venir l’aider contre les Anglais. Louis XVI hésita deux ans avant de s’engager militairement et financièrement aux côtés des Américains, mais dès 1777 des volontaires français, dont le marquis de Lafayette (1757-1834), étaient déjà venus apporter leur aide aux insurgés. En août 1778, l’escadre commandée par le vice-amiral d’Estaing (1729-1794) arrivait au large des côtes américaines. Mais cette première force se révéla insuffisante, malgré l’aide apportée par la flottille venue en renfort depuis St Domingue sous le commandement de l’amiral de Grasse-Tilly (1722-1788), le père d’Alexandre de Grasse-Tilly, qui joua un rôle déterminant dans la création du Rite Écossais Ancien Accepté en Amérique et dans son introduction en France. Un corps expéditionnaire de 6000 fut envoyé donc envoyé en 1780, sous le commandement du lieutenant-général Rochambeau (1725-1807). Grâce à cette aide française renforcée, les Américains prirent le dessus sur les Anglais. Le 3 septembre 1783, le Traité de Paris était signé, qui entérinait l’existence des États-Unis d’Amérique et maintenait la domination anglaise sur le Canada. 



Après le retrait des dernières troupes britanniques, Washington démissionna de sa charge de Commandant en chef des armées le 23 décembre 1783. Il se retira des affaires et retourna dans ses terres de Virginie, n’ayant pour l’instant aucune ambition politique.


Il constata néanmoins les insuffisances des Articles de la Confédération, qui tenaient lieu de constitution au nouvel État, et dès 1786, il plaida pour la rédaction d’une nouvelle Constitution. Élu délégué de la Virginie pour la Convention de 1787, qui avait pour objet la refonte des Articles de la Confédération, il fut choisi pour la présider. La Convention adopta la Constitution le 17 septembre 1787 et ratifiée par les Treize États membres le 21 juin 1788. Elle entra en vigueur le 4 mars 1789, et le même jour, George Washington fut élu premier président des États-Unis d’Amérique, à l’unanimité du collège électoral.


Il fut réélu pour un second mandat en 1793, au terme duquel, soit en 1787, il refusa d’envisager un troisième mandat. Il retourna une nouvelle fois sur ses terres pour s’occuper de son exploitation. En 1798, Samuel Adams, le second président des États-Unis, le désigna lieutenant-général d’une armée de réserve qui serait levée en cas d’une invasion française que l’on s’était mis à craindre. Mais ces craintes se révélèrent infondées et George Washington mourut le 12 décembre 1799 d’une infection respiratoire.


Carrière maçonnique de Washington et rôle de la franc-maçonnerie dans l’Indépendance américaine 


C’est le 4 novembre 1752, que George Washington, âgé de vingt ans, fut reçu franc-maçon dans la Loge de Fredericks (actuellement Loge n° 4 de la Grande Loge de Virginie). Il fut élevé à la maîtrise le 4 août 1753 et devint par la suite membre honoraire de plusieurs autres américaines.


Il ne fut pas le seul protagoniste de l’indépendance des États-Unis à avoir été franc-maçon, et de loin. De nombreux insurgés influents étaient en effet francs-maçons, à commencer par Benjamin Franklin, Paul Revere, James Otis, John Hancock… Mais d’autres illustres personnalités telles que Thomas Jefferson ou Samuel Adams ne l’étaient pas. Et sur les 56 signataires de la Déclaration d’Indépendance, seuls 9 ont été identifiés comme francs-maçons.


Du côté français, il y eut aussi de nombreux francs-maçons. L’appartenance maçonnique de Lafayette est bien connue, mais des études historiques montrent que de nombreux officiers généraux, supérieurs et subalternes du corps expéditionnaire français étaient francs-maçons, à commencer par le propre fils du commandant lui-même, le vicomte de Rochambeau. On a pu déterminer que 8 des 19 officiers généraux et supérieurs étaient membres de l’Ordre, parmi lesquels on pourra citer le comte de Ségur, le comte de Vauban, le comte de Deux-Ponts et le comte de Fersen (aide de camp de Rochambeau, qui deviendra dès son retour de la campagne américaine le favori de la reine Marie-Antoinette). Parmi les colonels et autres officiers, on trouve aussi de nombreux noms prestigieux, tels que le comte du Plessis, le comte de Saint-Simon, le marquis de la Palisse, le vicomte de Noailles… Il est certain que l’appartenance maçonnique de nombreux officiers français favorisa le contact et même la fraternisation avec les officiers américains.


Faut-il voir ici l’indice d’un complot maçonnique à l’origine de la Révolution Américaine, comme certains ont pu le prétendre ? Ce serait oublier que du côté anglais, on comptait également un grand nombre d’officiers francs-maçons et que nombreux régiments (notamment irlandais) abritaient des Loges militaires qui avaient grandement contribué à diffuser la franc-maçonnerie dans le Nouveau Monde.


La franc-maçonnerie n’en a pas moins joué un rôle dans l’insurrection qui mena à l’Indépendance des États-Unis, puis dans la construction du nouvel État, non pas en tant qu’organisation qui aurait tiré les ficelles dans l’ombre, mais en tant que lieu d’échange où se développaient et circulaient des nouvelles idées de Liberté, de Fraternité, de Nation et de Démocratie. Pour autant, les Loges américaines en tant que telles ne sont jamais entrées dans le débat politique et n’ont donné aucune consigne quant à la position à adopter par rapport à l’insurrection et aux Anglais. 



Le rôle indirect que joua la franc-maçonnerie dans la naissance des États-Unis fut magnifié par la suite dans la culture américaine, et particulièrement autour de la figure de George Washington. Ainsi, quand il posa la première pierre du Capitole le 18 septembre 1793, il était ouvertement revêtu de ses décors maçonniques. Plusieurs représentations picturales ont été faites de cet événement, que l’on peut considérer comme le plus important de l’histoire maçonnique américaine. Mais avant cela, de manière certes plus discrète, la franc-maçonnerie avait déjà été bien présente lors de son investiture comme président le 30 avril 1789, car c’est sur la Bible qu’utilisait la Loge St-John nº 1 de New York pour ses travaux qu’il prêta serment. Par la suite, les présidents Warren G. Harding, Dwight D. Eisenhower, Jimmy Carter et George H.W. Bush choisirent de prêter serment sur la même Bible.


Un projet qui n’aboutit pas doit aussi être rapporté. En 1779, la Grande Loge de Pennsylvanie proposa George Washington comme Grand Maître de tous les francs-maçons d’Amérique, alors qu’il n’existait aucune Grande Loge américaine, mais autant de Grandes Loges qu’il y a d’États. La Loge American Union n° 1 du Massachusetts entreprit de constituer une Grande Loge Nationale mais l’esprit fédéraliste eut le dessus et le projet fut finalement abandonné. Cette tentative montre néanmoins à quel point la figure emblématique de George Washington avait été associée à la franc-maçonnerie, au point même que certains auraient souhaité qu’il préside à la destinée de l’Ordre sur l’ensemble du territoire américain.

03 juin, 2024 — Ion Rajalescu