La Loge Maçonnique est un groupe organisé, dirigé par des Officiers. Ce terme surprend parfois les francs-maçons francophones, puisque dans le langage courant, il n’a guère été conservé que par l’armée ou les forces de l’ordre. Et certains croient y déceler un reliquat des Loges militaires des XVIIIe et XIXe siècles. Il n’en est rien, car le terme officier ne désigne qu’une personne chargée d’un office, c’est-à-dire d’une fonction, sans préciser dans quel domaine d’activité elle agit. Quels sont donc les Officiers de la Loge Maçonnique et quelles sont leurs fonctions ? Combien chaque Loge Maçonnique compte-t-elle d’Officiers ? Comme vous le constaterez, le nombre et les fonctions des Officiers de la Loge Maçonnique peuvent varier selon les pays, les Rites et les Obédiences.


L’origine des Officiers de Loge


Les formes de la franc-maçonnerie moderne, on le sait, on été empruntées aux usages des anciens bâtisseurs. En tant que groupes constitués, les confréries de maçons opératifs avaient une organisation qui requérait la présence d’Officiers. Celui qui préside la confrérie ne porta pas le titre de Vénérable Maître dès l’origine. En Écosse, au tournant du XVIIe siècle, il était nommé Surveillant et il était assisté par un ou plusieurs Diacres. Et plus tard, le plus ancien rituel maçonnique écossais connu mentionne un Maître, un Surveillant et un Compagnon Poseur (Manuscrit d’Edimbourg, 1698).


On connaît mal la constitution exacte du Collège des Officiers des anciens maçons opératifs, mais il est évident qu’il y avait a minima une fonction de présidence, des fonctions d’encadrement et de surveillance, et des tâches plus sociales et caritatives. Les tâches que l’on qualifierait aujourd’hui d’administratives et financières semblent avoir été tenues par des clercs attachés à la confrérie, car de nombreux maçons ne savaient alors ni lire ni écrire.


Les cérémonies d’admission anciennes étant mal connues, on ne sait pas exactement combien d’Officiers étaient requis à cette occasion. Mais cela va bien sûr se préciser avec la naissance de la franc-maçonnerie spéculative, puis de la franc-maçonnerie moderne au XVIIIe siècle.


Les Offices de la franc-maçonnerie moderne


La franc-maçonnerie moderne va fixer un certains nombres d’Offices, dont les principaux seront désormais intangibles, mais dont d’autres pourront évoluer selon les temps et les lieux. Parmi les offices intangibles, on trouvera donc :


Un Vénérable Maître, qui préside la Loge.


Deux Surveillants qui assistent le Vénérable Maître.


Un Secrétaire, qui tient les registres et prend les procès-verbaux.


Un Trésorier, qui gère les finances.


Un Hospitalier, Aumônier ou Éléémosynaire qui s’occupe de l’aspect caritatif et social.


Un ou deux Gardes, qui peuvent se nommer Couvreur, Tuileur, Gardien Intérieur, Gardien Extérieur, Sentinelle, Frère Terrible… En Europe continentale, il n’y a généralement qu’un seul Garde, placé à l’intérieur de la Loge.


Hormis les Gardes, qui ont une fonction surtout rituelle, tous ces Offices constituent une forme de comité directeur, nécessaire au fonctionnement d’une société humaine.


Les autres offices qui vont se développer ont quant à eux une fonction rituelle et ont été rendus nécessaires par le passage d’une structure professionnelle à une société initiatique. C’est parmi ces offices que l’on constate des différences selon les pays et les époques, et deux courants vont se développer parallèlement : le modèle anglais, et plus généralement anglo-saxons, et le modèle continental, français en particulier.


Les Officiers de Loge dans les pays anglo-saxons 


Un certain nombre d’Officiers sont requis pour travailler dans les Juridictions maçonniques des pays anglo-saxons, dont les fonctions ne recouvrent pas forcément les Offices de la franc-maçonnerie française et continentale. Voici ces Offices :


Le Passé Maître Immédiat (Immediate Past Master), c’est-à-dire le Vénérable Maître sortant. Il est très honoré dans la franc-maçonnerie anglo-saxonne et remplace dans certaines Loge le Vénérable Maître en cas d’absence.


Le Chapelain, dont la fonction est de prononcer les prières pendant les cérémonies et de dire les grâces lors des banquets. Le Chapelain est souvent ministre du culte de sa religion, mais ce n’est pas obligatoire. Dans certaines Loges, cette fonction est dévolue au Passé Maître Immédiat.


Les Diacres (Deacons, généralement traduit par Experts en français), sont au nombre de deux : le 1er Diacre et le 2d Diacre. Les 1er Diacre transmet les ordres du Vénérable au 1er Surveillant, et le 2d Diacre du 1er au 2d Surveillant. Mais leur tâche principale est d’accompagner les candidats pendant les cérémonies de réception.


Les Intendants (Stewards), généralement au nombre de deux, soit le 1er et le 2d Intendant. Leurs fonctions sont assez variées. Ils assistent les Diacres quand ceux-ci accompagnent les candidats et les remplacent en leur absence. Mais ils sont surtout chargés de servir le vin durant les banquets, et plus généralement d’organiser ces derniers.


Le Directeur des Cérémonies (Director of Ceremonies, Ritualist, Lecturer) est responsable de la fluidité du rituel et peut au besoin souffler aux autres Officiers un texte qu’ils auraient oublié (car les rituels sont pratiqués par cœur). Il est également chargé d’introduire les visiteurs en Loge.


Le Maréchal (Marshal) n’existe qu’aux États-Unis et en Écosse. Ses fonctions sont assez similaires à celles du Directeur des Cérémonies anglais, et il est particulièrement responsable du protocole et de l’introduction des visiteurs. Aux États-Unis, il effectue la cérémonie du drapeau et fait prononcer le serment d’allégeance lors des cérémonies.

 

Bijoux d’Officiers de Loge en Écosse

 

 

Le Surintendant des Travaux (Superintendent of the Works, Architect) est responsable du matériel rituel de la Loge et veille à ce que rien ne manque avant chaque cérémonie.


Le Maître de l’Harmonie (Organist, Director of Music, Master of Harmony) est responsable de la musique lors des cérémonies.


L’Orateur (Orator) n’apparaît pas systématiquement parmi les Officiers. Sa fonction est d’être le garant des Lois Maçonniques, et de prononcer des discours, notamment après la réception de nouveaux Frères. Cette fonction est souvent attribuée au Passé Maître Immédiat, rendant cet office inutile.


À côté de ces offices principaux, on trouve de nombreuses autres fonctions, qui sont parfois en usage dans une seule Juridiction. C’est en Écosse qu’il y en a le plus. En voici quelques exemples :


Le Mentor (Mentor), en Angleterre, est chargé de veiller au bon déroulement de la progression des Frères, se rendant disponible pour des questions et des conseils. Il encourage chaque Frère à se trouver un mentor personnel au sein de la Loge et coordonne tous les efforts d’accompagnement et de formation.


L’Archiviste (Archivist, Librarian, Historian), qui conserve les archives de la Loge et parfois gère une petite bibliothèque ouverte aux Frères.


L’Intendant de la Charité (Charity Steward), qui motive les Frères à faire des dons et présente les œuvres qu’il serait souhaitable de soutenir.


Le Porte-Étendard (Standard Bearer).


Le Porte-Bible (Bible Bearer).


Le Cornemusier (Bagpiper).


Le Barde (Bard).


Quant au nombre d’Officiers, cela dépend des Juridictions et des Loges, mais dans tous les cas, ils sont plus nombreux que dans la franc-maçonnerie continentale et française. Y compris le Passé Maître Immédiat et les Officiers Assistants, les Loges écossaises peuvent compter jusqu’à 30 Officiers. En Angleterre, on en dénombrera une vingtaine, et une quinzaine en Irlande et aux États-Unis.


Les Officiers de Loge en France et sur le continent 


Qu’il s’agisse du Rite Français, du Rite Écossais Ancien Accepté ou du Rite Écossais Rectifié, tous les Rites maçonniques continentaux ont théoriquement leur propre définition du Collège des Officiers. Mais dans la pratique, on constate une forme d’uniformisation autour d’un Collège des Officiers standard à dix membres. Mais voyons de plus près les différents offices qui existent ou ont existé dans le passé.


L’Orateur est responsable du respect des Règlements de la Loge et de l’Obédience, ainsi que du maintien de l’ordre pendant les Travaux. Lui seul peut reprendre le Vénérable. Il est également chargé de prononcer des discours, après les cérémonies de réception, lors des banquets et des fêtes solsticiales. Dans certaines Loges, il fait un exposé à chaque Tenue. Sa fonction correspond à celle de l’Orateur anglo-saxons, avec cependant un pouvoir institutionnel plus fort.


Le Garde des Sceaux conservait le timbre et les archives de la Loge. Cet office n’existe généralement plus et ses fonctions sont dévolues au Secrétaire.


Le Maître des Cérémonies est l’Officier mobile par excellence. Quand les Travaux sont ouverts, nul ne peut se déplacer en Loge sans être précédé par lui. Il introduit les visiteurs en Loge et peut faire circuler des documents entre les différents Officiers. C’est souvent lui qui allume les Lumières symboliques, déroule le Tapis de Loge et expose le Volume de la Loi Sacrée. Dans les anciens rituels, c’est parfois lui qui accompagnait les candidats pendant les cérémonies de réception. Sa fonction rappelle celle du Directeur des Cérémonies anglo-saxons, mais il a plus de prérogatives lors des cérémonies, et n’est pas forcément chargé de veiller à la parfaite exécution des Travaux, ce qui est souvent la tâche de l’Expert.


L’Expert est celui qui introduit les candidats dans la Loge et les accompagne au cours des cérémonies de réception. À l’origine, au Rite Français, l’Expert n’était pas un Officier permanent, mais un Frère désigné à l’occasion d’une cérémonie. Dans le cas du Rite Écossais Ancien Accepté, le terme Expert traduisait le terme de Diacres, et il y en avait à l’origine deux. Aujourd’hui, il n’y en a généralement qu’un, quel que soit le rite. Il est souvent considéré comme le spécialiste du rituel, dont il veille à l’exacte exécution. Dans certaines Loges du Rite Écossais Ancien Accepté, c’est lui qui préside les Travaux en l’absence du Vénérable. Il correspond à certaines fonctions des Diacres et des Maréchaux de la tradition anglo-saxonne.


Le Frère Terrible, spécifique à la franc-maçonnerie française, exerçait la fonction de Couvreur et d’Introducteur des candidats. Il faisait parfois passer les différentes épreuves au candidat. Cet office et ce titre sont tombés en désuétude, et ses fonctions se partagent entre le Couvreur et l’Expert.

Officiers œuvrant lors d’une initiation

 

L’Architecte-Préparateur (Rite Français), ou l’Économe (Rite Écossais Rectifié), était chargé de l’économat, c’est-à-dire du matériel nécessaire pour les différentes cérémonies. Souvent tombé en désuétude, ses fonctions sont généralement exercées aujourd’hui par l’Expert ou le Maître des Cérémonies. Cet office correspond au Surintendant des Travaux anglo-saxon.


Le Maître des Banquets, chargé de l’organisation des banquets et agape rituelles, n’est pas utilisé par toutes les Loges. Cet office correspond partiellement à celui des Stewards anglo-saxons, mais n’est pas entouré des mêmes honneurs.


Le Maître de l’Harmonie est responsable de la musique, comme dans le modèle anglo-saxon.


Le Porte-Étendard et le Porte-Glaive n’ont généralement plus cours en Loge, mais restent importants au niveau national de certaines Grandes Loges.


Certaines Loges ou Obédiences maçonniques connaissent par ailleurs d’autres offices, dont voici deux exemples :


L’Archiviste, ou Bibliothécaire, qui correspond à son homologue anglo-saxon.


Le Magistère, notamment en Suisse, responsable des séances d’instructions destinées aux Apprentis et aux Compagnons, en lieu et place des Surveillants. Cette fonction présente des analogies avec celle du Mentor anglais.


Chaque Rite maçonnique définissait à l’origine le nombre de ses Officiers, mais en Europe, et plus particulièrement en France, on assista au cours du XXe siècle à une sorte d’unification du modèle. Plusieurs auteurs maçonniques ayant voulu faire correspondre symboliquement le Collège des Officiers à l’Arbre Séphirotique, on en vint ainsi à une liste de dix Officiers, y compris le Vénérable. À côté de ces dix Officiers considérés comme essentiels subsistent souvent deux ou trois fonctions, jugées plus mineures : le Maître des Banquets, le Maître de l’Harmonie et, dans certaines Loges, le Passé Maître Immédiat.


Comment devient-on Officier dans une Loge Maçonnique ?


En Angleterre, l’accession aux différents offices a toujours été par le moyen d’élections. Mais en France, sous l’Ancien Régime, les Loges étaient propriété de leurs Vénérables, qui exerçaient leur charge à vie et choisissaient leurs Officiers selon leur bon vouloir. Ce système disparut lorsque la première Grande Loge de France devint le Grand Orient de France en 1773, laissant la place à un modèle démocratique.


Si le principe électif est aujourd’hui la norme dans toutes les Obédiences et Juridictions maçonniques, la progression à l’intérieur du Collège des Officiers peut fortement varier. Généralement, on remet les compteurs à zéro, et on élit un nouveau Collège sans tenir compte du Collège précédent. Mais certaines Loges (surtout aux États-Unis) ont adopté un système de progression interne : on est élu au poste le plus "bas", puis, sauf accident de parcours, on gravit un rang chaque année, jusqu’à devenir Vénérable. La progression varie évidemment selon les offices pratiqués par la Loge, mais finit normalement comme ceci aux États-Unis : 2d Diacre, 1er Diacre, 2d Surveillant, 1er Surveillant, Vénérable. 


En Europe, et notamment en France, un modèle plus limité est souvent appliqué, sans qu’il fasse l’objet d’un règlement formel : la progression ne concerne que les fonctions de 2d Surveillant, 1er Surveillant et Vénérable.

08 juillet, 2024 — Ion Rajalescu