Laura Ingalls-Wilder ou Le Petit Chapitre dans la Prairie
Qui ne connaît la série La Petite Maison dans la Prairie, qui émut tant de foyers depuis 1974 ? Qui a oublié les leçons d’humanité que Charles Ingalls donnait à ses filles, et en particulier à Laura, qui semblait entretenir avec son père une relation privilégiée ? Mais saviez-vous que Laura Ingalls Wilder, autrice des romans autobiographiques qui ont servi de base à cette série, était membre de l’Ordre de l’Étoile Orientale (Order of the Eastern Star - OES), un ordre para maçonnique ouvert aux femmes ? Et saviez-vous que la famille de Laura Ingalls Wilder était très impliquée dans l’univers maçonnique ? Suivons donc Laura Ingalls Wilder et partons à la découverte du Petit Chapitre dans la Prairie !
La vie de Laura Ingalls Wilder
La vie de Laura Ingalls Wilder fut plutôt mouvementée et difficile, comme ce fut le cas pour de très nombreuses familles de pionniers américains. Laura naquit le 7 février 1867 à Pepin, Wisconsin. Elle était le deuxième enfant d’une fratrie de cinq : Mary Amelia, Laura Elizabeth, Caroline Celestia (dite Carrie), Charles Frederick (décédé en bas âge) et Grace Pearl. Sa famille, modeste et apparemment anodine, n’en était pas moins très profondément insérée dans l’histoire américaine : son père, Charles Philipp Ingalls (1836-1902), était un descendant de la famille Delano, dont sera issu le Président des États-Unis Franklin Delano Roosevelt (1882-1945) et il était également un lointain parent du Président des États-Unis et ancien général en chef des armées de l’Union Ulysse S. Grant (1822-1885) ; et sa mère Caroline Lake (1839-1924), née Quiner, descendait en ligne directe de Richard Warren, l’un des Pèlerins débarqués du Mayflower en 1620.
En 1869, la famille quitta le Wisconsin pour s’installer brièvement dans le Missouri, puis au Kansas en 1870, pour retourner dans le Wisconsin en 1871. En 1874, ils s’installèrent à Walnut Grove (Minnesota), et c’est là que la série télévisée situe la plus grande partie de l’histoire.
Deux années consécutives de disette poussa la famille à émigrer à Burr Oak (Iowa) en 1876, où elle travailla dans un hôtel pendant environ une année. Dans le courant de l’année 1877, retour à Walnut Grove, où Charles exerça la profession de boucher et devint Juge de Paix. En 1879, il décrocha un emploi dans les chemins de fer et la famille déménagea à nouveau pour s’installer à De Smet (Dakota). Charles, Caroline et leur fille Mary, devenue aveugle, y finirent leur vie.
C’est à De Smet que les enfants Ingalls purent enfin aller à l’école de manière suivie, mais Caroline ayant été institutrice, ils n’étaient pas restés sans instruction. Et en décembre 1882, Laura devenait à son tour institutrice, alors qu’elle n’avait pas encore 16 ans. Elle enseigna pendant deux ans, mais en 1885, elle épousa Almanzo Wilder (1857 ?-1949), le frère de son ancienne institutrice, et dut alors abandonner sa carrière d’enseignante. Les femmes mariées n’avaient en effet plus le droit d’enseigner à l’époque.
Le 5 décembre 1886, Laura donnait naissance à la petite Rose, mais le sort ne cessa de s’acharner sur le jeune couple. En 1888, un violent accès de diphtérie laissa Almanzo Wilder partiellement paralysé et l’obligea à se servir d’une canne le restant de sa vie. En 1889, un second enfant naquit au couple, qui mourut douze jours après sa naissance. S’ensuivit une série de catastrophes : incendies détruisant leur grange puis leur maison, plusieurs période sécheresse… En 1890, endettés et épuisés, les Wilder partirent reprendre des forces auprès des parents d’Almanzo à Spring Valley (Minnesota), puis s’établirent en Floride, dont ils espéraient que le climat serait plus clément pour Almanzo. Le climat se révéla trop humide et en 1894, ils partaient pour Mansfield (Missouri).
À Mansfield, leur vie s’améliora enfin : ayant acquis une terre inexploitée près de la ville, ils commercialisèrent d’abord du bois de coupe, avant de développer la culture de pommiers, la production laitière et l’élevage de poulets. Ils atteignirent ainsi une aisance qu’ils n’avaient jamais connue auparavant. Laura s’engagea alors dans les milieux associatifs de la ville, s’y faisant la porte-parole des associations d’exploitants agricoles et fut reconnue comme une experte en matière d’élevage de poulets.
En 1911, le journal Missouri Ruralist demanda un article à Laura, qui l’amena alors à devenir éditorialiste régulière pendant une quinzaine d’années. Dans ses articles, elle abordait des thèmes aussi variés que la vie de famille, les conditions de vie des fermiers, l’Exposition Panama-Pacific Universelle de 1915, la Première Guerre Mondiale et l’amélioration de la condition féminine.
En 1930, Laura soumit à sa fille Rose Wilder Lane (1886-1968), devenue écrivaine et journaliste, un manuscrit autobiographique racontant son enfance, intitulé Quand Grand-Maman était une Petite Fille. L’éditeur de Rose Wilder Lane, Harper & Brothers, se montra grandement intéressé, suggérant juste que le récit soit amplifié et le titre changé en La Petite Maison dans les Grands Bois. C’est sous ce titre que le premier roman autobiographique de Laura Ingalls Wilder parut en 1932. Entre 1933 et 1943, il fut suivi de sept autres ouvrages, qui constituent la saga de la famille Ingalls. C’est le titre du troisième livre, La Petite Maison dans la Prairie (1935), qui s’imposa comme titre générique de toute la série. Plusieurs autres écrits de Laura Ingalls Wilder furent publiés après sa mort, dont son journal pour la période entre De Smet et Mansfield et Les Quatre Premières Années (1971), considéré comme le neuvième volume de la saga.
Les succès littéraires de Laura mirent définitivement les Wilder à l’abri de tout souci financier, et ils finirent paisiblement leurs jours à Mansfield. Ayant vendu le plus gros de leur exploitation agricole, ils ne conservèrent qu’un peu d’élevage ainsi que la culture de fleurs et de légumes. Almanzo Wilder mourut en 1949 et Laura, atteinte d’un diabète sévère et de problèmes cardiaques, le suivit le 10 février 1957. Ils sont tous deux enterrés à Mansfield.
La famille de Laura Ingalls Wilder et le monde maçonnique
Comme nous allons le constater, plusieurs membres de la famille de Laura Ingalls Wilder ont appartenu à la franc-maçonnerie ou à une société d’inspiration maçonnique. Cet aspect de l’histoire familiale est assez peu connu du grand public et mérite qu’on s’y attarde un peu plus.
Il est clair que les déplacements incessants de la famille Ingalls n’étaient pas propices à un engagement durable dans quelque association que ce soit. Mais dès 1879, la famille trouva enfin une certaine stabilité à De Smet. C’est donc dans la Loge de De Smet que Charles Ingalls fut reçu Maçon en 1885. Son épouse Caroline et leur fille Carrie entrèrent à l’Eastern Star en 1891. Et c’est en 1893 que Charles Ingalls et Laura furent à leur tour admis dans le Chapitre de l’Eastern Star.
Laura ne fréquenta le Chapitre de De Smet qu’une année, puisqu’elle et son mari quittèrent la ville en 1894. Mais elle poursuivit son engagement à Mansfield, et fut affiliée au Chapitre de l’Eastern Star de la ville en 1897. Elle occupa plus de vingt cinq fois des postes d’Officier et fut trois Digne Matrone (Présidente du Chapitre). Son mari Almanzo fut quant à lui reçu Maçon à Mansfield en 1898 et rejoignit l’Eastern Star en 1902. Ils ne quittèrent l’Ordre qu’en 1931, sans doute parce qu’ils ne pouvaient plus payer les cotisations suite à la Grande Dépression de 1928.
Il semble évident que les valeurs de "famille, foi, éducation, charité, courage, indépendance, patriotisme, force et amélioration de soi" qui sont véhiculées par l’Eastern Star étaient les valeurs que Laura Ingalls Wilder défendit toute sa vie, même avant d’appartenir à l’Ordre. Et elle ne cessa de les promouvoir au sein d’autres clubs auxquels elle appartenait.
Sensibilité politique et religieuse de Laura Ingalls Wilder
Ce valeurs guidèrent également son engagement de citoyenne et sa sensibilité politique. De sensibilité démocrate, elle s’éloigna du parti suite au New Deal lancé par Franklin Delano Roosevelt pour tenter de contrer les conséquences de la Grande Dépression de 1928. Elle lui reprocha une trop grande ingérence dans la sphère privée des citoyens et, avec sa fille Rose Wilder Lane, on peut la compter parmi les pionniers du mouvement Libertarien américain du XXe siècle.
Laura Ingalls Wilder défendait également les droits femmes et était résolument une femme de son temps. Il est intéressant de constater que la réception de Laura dans l’Eastern Star eut lieu l’année même où, à Paris, Maria Deraismes et Georges Martin initiaient seize femmes et posaient les bases de la franc-maçonnerie mixte. Elle s’illustra également dans le refus de la ségrégation raciale et fit d’ailleurs scandale à Mansfield en serrant publiquement la main d’un homme de couleur, ce qui était alors complètement inconcevable.
La position de Laura Ingalls Wilder sur la religion est aussi des plus intéressantes. C’était une femme de foi, qui priait tous les jours, lisait régulièrement la Bible et assistait tous les dimanches au culte de l’Eglise Méthodiste. Pour autant, ni elle ni son mari ne furent jamais officiellement membres de l’Église Méthodiste, ni d’aucune autre Église. Laura Ingalls Wilder semble ainsi avoir été une femme très indépendante, qui n’entendait pas soumettre sa foi à quelque autorité ecclésiastique que ce soit. Elle semble avoir opéré le mariage parfait de valeurs communautaires traditionnelles, que l’on qualifierait volontiers de conservatrices, avec une sensibilité libertaire et indépendante de tout carcan idéologique. Ne serait-ce pas là l’indice d’une authentique démarche maçonnique ?
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