Victor Schoelcher et l’abolition de l’esclavage
Sans doute peu connu hors de France, Victor Schoelcher fut un franc-maçon qui milita activement pour l’abolition de l’esclavage. L’abolition de l’esclavage en France fut une longue histoire qui s’étala entre 1315, 1794 et 1848 et dans laquelle Victor Schoelcher joua un rôle décisif. Quels furent les méandres de l’histoire de l’abolition de l’esclavage, et quel rôle exactement y joua Victor Schoelcher ? Partons à la découverte de la vie et des convictions de Victor Schoelcher, dont l’action politique, teintée d’idéal maçonnique, fut déterminante pour obtenir en France l’abolition de l’esclavage d’une manière définitive.
La vie de Victor Schoelcher
Victor Schoelcher naquit à Paris le 22 juillet 1804. Son père, d’origine alsacienne, possédait une fabrique de porcelaine. C’est probablement en 1822 qu’il fut initié dans la Loge parisienne Les Amis de la Vérité, du Grand Orient de France. Cette loge est réputée pour avoir été l’une des plus progressistes et républicaines dans le premiers tiers du XIXe siècle.
Vers 1830, Schoelcher se rendit à Cuba pour représenter l’entreprise familiale et c’est là qu’il fut confronté pour la première fois à la réalité de l’esclavage, qui le choqua profondément. De retour en France, il devint journaliste et pamphlétaire et, ayant hérité de l’entreprise familiale en 1832, il la vendit pour se consacrer à l’écriture et à la militance, pour l’abolition de l’esclavage mais aussi et pour d’autres sujets sociaux et politiques, tels que l’éducation et l’abolition de la peine de mort.
En 1840 et 1841, Schoelcher retourna dans les Antilles et acquit cette fois la conviction que l’abolition de l’esclavage devait être promulguée immédiatement. Il voyagea également dans plusieurs pays africains et en Grèce, et ses convictions anti-esclavagistes en sortirent renforcées. À partir de 1845, il écrivit de nombreux articles pour défendre l’abolition immédiate de l’esclavage, contre certains qui se contentaient de demander son "humanisation". En 1847, il rassembla les divers articles qu’il avait écrits sur le sujet en un ouvrage intitulé Histoire de l’esclavage pendant ces deux dernières années. Les troubles politiques qui éclatèrent cette même année 1847 allaient donner à Schoelcher l’occasion d’arriver à ses fins.
En effet, la Monarchie de Juillet, qui promettait d’être un régime libéral, se durcit de plus en plus, au gré de l’instabilité parlementaire qui la caractérisait et des nombreux troubles et soulèvements auxquels elle dut faire face. Louis-Philippe refusait obstinément d’envisager le suffrage universel réclamé par les républicains et il devint de plus en plus impopulaire. En 1847, le gouvernement en vint à interdire les réunions politiques et dans la foulée tenta également d’interdire aux officiers et sous-officiers de l’armée d’appartenir à la franc-maçonnerie, toujours considérée comme un facteur de trouble.
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À partir de juillet 1847, les républicains commencèrent à organiser un peu partout en France des banquets, sur le modèle des banquets républicains de la Révolution, dans le but de contourner l’interdiction des réunions politiques. À nouveau, le gouvernement tenta de s’y opposer. Et c’est l’interdiction du banquet qui devait être organisé à Paris le 19 février 1848 qui mit le feu aux poudres. Reporté au 22 février, il fut ensuite annulé par ses organisateurs, semblant donner au raison au gouvernement.
Mais les éléments les plus républicains n’en restèrent pas là. L’un des organisateurs du banquet, Armand Marrast (1801-1852), leader de l’opposition, directeur du journal "Le National" et membre du Grand Orient de France, incita la population parisienne à se soulever et le 22 février, plus de 3000 personnes s’assemblèrent pour marcher sur le Palais Bourbon, scandant des slogans antigouvernementaux. Le 23 juillet, l’armée tirait sur la foule et le 24 la situation devint intenable : devant le flot des insurgés, l’armée se retira de Paris. Les troupes chargées de garder les Tuileries ayant manifesté de l’hostilité à son égard, et ses généraux ne voyant aucune issue, Louis-Philippe abdiqua le 24 février en faveur de son petit-fils, le Comte de Paris, avant de prendre le chemin de l’exil, en Angleterre, non sans avoir désigné sa bru, la duchesse d’Orléans, régente du royaume.
Mais le pouvoir était déjà aux mains des républicains, qui avaient investi le Palais Bourbon, et même si de nombreux députés modérés étaient prêts à accepter la régence de la duchesse d’Orléans, la IIe République fut proclamée le 24 février 1848, par Adolphe Lamartine (1790-1869), poète, Académicien et homme politique très proche des francs-maçons.
Schoelcher faisait partie du Gouvernement provisoire qui fut instauré autour de Lamartine, en tant que Sous-Secrétaire d’État à la Marine et aux Colonies. Ce gouvernement ne siégea que du 24 février au 9 mai 1848, mais ce temps fut suffisant pour que Schoelcher fasse adopter, le 27 avril 1848, le décret d’abolition de l’esclavage. C’était en fait la troisième fois que la France abolissait l’esclavage. Un premier décret d’abolition de l’esclavage sur le territoire français avait été signé en 1315 par Louis X, mais Louis XIII avait en 1642 l’avait rétabli dans les Antilles françaises. La Révolution abolit à son tour l’esclavage en 1794, mais Napoléon le rétablit en 1802, toujours dans les colonies des Antilles. Le décret initié par Schoelcher allait lui être définitif.
Le Gouvernement provisoire ayant cédé la place à une Commission exécutive, Schoelcher fut alors élu député de la Martinique le 9 août 1848, puis de la Guadeloupe le 24 juin 1849, dans les rangs de la Montagne, c’est-à-dire les Démocrates-Sociaux, l’extrême-gauche de l’échiquier politique. En décembre 1849, un Président de la République Française fut élu pour la première fois en la personne de Louis-Napoléon Bonaparte (1808-1873), le neveu de Napoléon Ier. Aux élections de 1850, Schoelcher fut à nouveau élu député de la Guadeloupe.
Mais le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon organisa un coup d’état, pour instaurer le Second Empire et se proclamer empereur sous le nom de Napoléon III. Schoelcher fut l’un des chefs du Comité de résistance, aux côtés notamment du célèbre écrivain Victor Hugo (1802-1885), et se battit même sur les barricades. Proscrit comme la plupart des dirigeants républicains de l’opposition, Schoelcher choisit de s’exiler à Londres, dont il ne revint qu’après l’abdication de Napoléon III suite à la bataille de Sedan en 1870. En mars 1871, tout juste réélu député de la Martinique, il tenta sans succès une conciliation entre Versaillais et Communards.
En tant que député, puis dès 1875 de Sénateur inamovible de la Martinique, il continua à se battre pour les questions qui lui tenaient à cœur : abolition de la peine de mort, éducation obligatoire et gratuite pour tous, conditions des femmes et des enfants…
Célibataire et sans enfants, Schoelcher mourut à Houilles, près de Paris, le 25 décembre 1893 et fut enterré au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Ses restes furent transférés au Panthéon en 1949. De nombreuses places et rues portent son nom, ainsi que des lycées.
La carrière maçonnique de Victor Schoelcher
La carrière de Victor ne fut pas ininterrompue ni particulièrement assidue. Et pourtant, il semble que sa compréhension de la franc-maçonnerie fut en grande partie l’inspiratrice de son engagement. Les Amis de la Vérité, la loge où il fut initié, était l’une des plus progressistes du Grand Orient de France, comme nous l’avons relevé plus haut. Elle fut même l’une quelques loges qui participèrent activement aux Trois Glorieuses, c’est-à-dire la Révolution de 1830, qui fit tomber Charles X et instaura la monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe, dite Monarchie de Juillet.
Cette loge proche des différentes sociétés secrètes politiques actives à l’époque, dont le Carbonarisme, fut finalement dissoute en 1833. On ne trouve alors plus aucune trace d’une activité maçonnique de Schoelcher. Il ne reparaît en loge qu’en 1844, date à laquelle il est affilié à la la loge La Clémente Amitié, l’une des loges les plus républicaines sous la Monarchie de Juillet. Mais il n’y resta que quelques mois. La Clémente Amitié contestait trop ouvertement le conservatisme du Grand Orient de France et réclamait une réforme de l’ordre par la bouche et les écrits de son nouveau Vénérable Maître, François-Timoléon Bègue-Clavel (1798-1852) et connut une grave crise. Elle fut d’abord dissoute par le Grand Orient, puis la peine fut commuée en une suspension de deux mois. Mais 17 membres de la loge en furent radiés, dont Schoelcher. Il ne s’affilia à aucune autre loge avant son exil londonien en 1851. À Londres, il eut probablement des contacts avec la Loge Les Philadelphes, mais rien ne prouve qu’il l’ait régulièrement fréquentée.
Après son retour d’exil en 1870, s’il garda des contacts avec des francs-maçons qui partageaient les mêmes combats que lui, il ne fréquenta guère les loges. Il aurait peut-être fréquenté la loge La Renaissance des Émules d’Hiram dans les années 1870, et aurait assisté à l’initiation de Jules Ferry et d’Émile Littré à La Clémente Amitié en 1875. Mais les archives de ces deux loges n’en conserve aucune trace. De même, on lit parfois que Schoelcher aurait aidé Maria Deraismes (1828-1894) à se faire initier en 1882, cérémonie qui fut à l’origine de l’aventure de la franc-maçonnerie mixte du Droit Humain. S’il est vrai que Schoelcher connaissait Maria Deraismes, qu’il avait fréquentée dans les milieux féministes, rien ne vient prouver qu’il ait joué un quelque rôle que ce soit dans cette initiation.
La carrière maçonnique de Victor Schoelcher fut donc assez sporadique, mais les idéaux d’Humanité, de Liberté, d’Égalité, de Fraternité qu’il avait trouvés en loge l’accompagnèrent toute sa vie et orientèrent ses engagements politique.
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