La Grande Loge Mixte Universelle et la Grande Loge Mixte de France
La franc-maçonnerie mixte est apparue en 1893 avec la fondation du "Droit Humain", obédience maçonnique française qui deviendra rapidement internationale. Mais d’autres obédiences maçonniques mixtes sont nées depuis lors, souvent dans le sillage du "Droit Humain". C’est le cas de la Grande Loge Mixte Universelle et de la Grande Loge Mixte de France, toutes deux fondées en France au XXe siècle. Quelles sont les origines de la Grande Loge Mixte Universelle et de la Grande Loge Mixte de France, quelles sont leurs différences et leurs spécificités ? Partons à la découverte de la Grande Loge Mixte Universelle et de la Grande Loge Mixte de France.
La difficulté majeure du "Droit Humain"
Dès qu’il prit une dimension internationale, le "Droit Humain" adopta une forme pyramidale qui épouse les contours du Rite Écossais Ancien Accepté dans ses 33 degrés. À la différence de la plupart des autres obédiences maçonniques, le "Droit Humain" est structuré en un Ordre unique soumis au Suprême Conseil Universel Mixte qui siège à Paris. Cela signifie que les Loges bleues de l’Ordre sont de fait assujetties aux hauts grades. Même si les Fédérations et Juridictions nationales de l’Ordre ont une certaine autonomie et correspondent en quelque sorte à des Grandes Loges, le système dans son ensemble reste soumis à l’ensemble de la hiérarchie du Rite Écossais Ancien Accepté.
Cette situation était celle du Suprême Conseil de France depuis sa fondation en 1804 jusqu’en 1894, date à laquelle il accorda l’autonomie à ses Loges Bleues et leur permit de constituer l’actuelle Grande Loge de France. Ce qui est particulièrement surprenant dans l’histoire du "Droit Humain", c’est que l’un de ses fondateurs, Georges Martin, avait été de ceux qui contestaient la suprématie des Hauts grades sur les Loges Bleues au sein du Suprême Conseil de France et fut même l’un des instigateurs d’une scission qui aboutit en 1880 à la fondation de l’éphémère Grande Loge Symbolique Écossaise. Il est assez surprenant de le voir choisir pour le "Droit Humain" la structure qu’il avait explicitement combattue au sein du Suprême Conseil de France.
La même contestation ne tarda pas à apparaître au sein du "Droit Humain", où plusieurs Loges bleues de la Fédération Française firent sécession pour fonder une première Grande Loge Mixte Universelle en 1913. Mais l’éclatement de la Première Guerre Mondiale en 1914 ne fut guère propice au développement de cette obédience maçonnique, qui ne survécut pas.
Fondation de la seconde Grande Loge Mixte Universelle
Laissé en suspens de nombreuses années, la question de l’autonomie des Loges bleues et de la démocratie interne nécessaire au fonctionnement maçonnique allait ressurgir dans les années 1970. En 1973, les Loges "Lucie Delong", "Marie Bonnevial" et "Le Devoir", avec une centaine de membres, se séparèrent de la Fédération Française du "Droit Humain" pour fonder une nouvelle obédience, qui prit d’abord le nom de Grande Loge Mixte Universelle "Droit Humain-Tradition". En 1975, cette nouvelle Grande Loge recevait du Grand Orient de France une patente pour l’exercice du Rite Français. La plupart des Loges de la Grande Loge Mixte Universelle travaillent au Rite Français, mais un certain nombre ont opté pour le Rite Écossais Ancien Accepté ; et en 1980 fut fondé le Suprême Conseil Mixte du Rite Écossais Ancien Accepté, qui permit aux Frères et Sœurs qui le souhaitaient de poursuivre la démarche maçonnique au-delà du troisième grade. Mais le Suprême Conseil Mixte n’exerce aucune autorité sur la Grande Loge Mixte Universelle.
La principale fondatrice de la Grande Loge Mixte Universelle fut Éliane Brault (1895-1982), journaliste, féministe, femme politique et Résistante, au parcours maçonnique intéressant. Elle fut initiée en 1927 dans une Loge d’Adoption au sein de ce qui allait devenir après 1945 l’Union Maçonnique Féminine de France, puis la Grande Loge Féminine de France. En 1945, elle faisait partie des Sœurs qui réveillèrent la franc-maçonnerie féminine et intégra la Loge "La Nouvelle Jérusalem". En 1948, Éliane Brault opta pour la franc-maçonnerie mixte et fut intégrée à la Loge "Marie Bonnevial" de la Fédération Française du "Droit Humain", où elle fut réinitiée au Rite Écossais Ancien Accepté.
Éliane Brault fut de ceux qui contestèrent l’hégémonie des Hauts grades au sein du "Droit Humain" et estimaient également qu’un excès de symbolisme avait tendance à détourner des sujets de société. La Grande Loge Mixte Universelle, proche de l’esprit du Grand Orient de France, est ainsi une obédience libérale et progressiste, particulièrement sensible aux questions de liberté, d’égalité, de démocratie, de laïcité et de progrès social. Sa devise est Liberté - Égalité - Fraternité, mais elle aime aussi rajouter Universalité - Mixité - Laïcité. Elle compte aujourd’hui environ 1500 membres.
Fondation de la Grande Loge Mixte de France
Sans se détourner de l’esprit progressiste qui anime l’esprit de la Grande Loge Mixte Universelle, certains de ses membres estimèrent néanmoins que cette approche n’était pas incompatible avec une vision plus symboliste et spiritualiste de la franc-maçonnerie. Plusieurs Loges firent donc sécession en 1982 pour constituer la Grande Loge Mixte de France, qui reçut aussi ses patentes du Grand Orient de France. Elle compte aujourd’hui environ 5000 membres.
Si la Grande Loge Mixte Universelle avait adopté une structure centralisée assez similaire à celle du Grand Orient de France, la Grande Loge Mixte de France a opté pour un modèle plus décentralisé et fédéraliste : chaque Loge est ainsi une association aux termes de la Loi de 1901, et la Grande Loge n’est que la fédération de toutes ces associations.
Plus intéressée au travail symbolique et initiatique que ne l’est la Grande Loge Mixte Universelle, la Grande Loge Mixte de France regroupe des Loges pratiquant la plupart des Rites en usage en France. Si le Rite administratif de l’obédience est le Rite Français, elle compte des Loges des différentes variantes du Rite Français, du Rite Écossais Ancien Accepté, du Rite Écossais Rectifé, du Rite de Memphis-Misraïm, du Rite Emulation, du Rite Standard d’Écosse et du Rite Source et Lumière.
Si la Grande Loge Mixte Universelle reste fidèle, dans l’esprit et la forme, à l’idéal maçonnique français tel qu’il s’est défini à la fin du XIXe siècle, l’optique de la Grande Loge Mixte de France, réintégrant une plus grande part de symbolisme et de spiritualité, répond sans doute mieux au "réenchantement du monde" dont les sociologues ont repéré l’émergence dans les années 1970. Elle semble ainsi présenter un harmonieux mélange de spiritualisme et d’engagement sociétal.
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