Tous les francs-maçons auront remarqué que la franc-maçonnerie suit un calendrier spécifique, dit maçonnique. Cet usage est principalement rituel et sert surtout à dater les procès-verbaux des différentes assemblées maçonniques. D’où peut bien provenir le calendrier maçonnique ? S’agit-il d’un usage immémorial, remontant aux usages des anciens maçons opératifs ? Quelle est la signification du calendrier maçonnique ? Et saviez-vous qu’il existe plusieurs calendriers maçonniques ? Partons donc à la découverte du calendrier maçonnique, de son origine, de son histoire, de son utilité et des différentes formes qu’il a pu prendre selon les pays, les Rites et les obédiences.

 

 

Le calendrier maçonnique le plus courant

 

La forme de calendrier maçonnique la plus courante que l’on rencontre est celle qui consiste à ajouter 4000 à l’année civile. L’année 2025 devient ainsi l’an 6025 dans le calendrier maçonnique. Mais quand débute cette année maçonnique ?

 

Il existe ici des différences, qui tendent souvent à disparaître aujourd’hui. La franc-maçonnerie anglaise et plus généralement anglo-saxonne, suivie par la franc-maçonnerie germanique, fait coïncider l’année maçonnique avec l’année civile commençant le 1er janvier. C’est en effet le plus logique. Mais la tradition maçonnique française a longtemps fait commencer l’année maçonnique le 1er mars, pour se rapprocher de l’usage hébraïque. Mais cela faisait que les dates de janvier et février gardaient le millésime de l’année précédente. Selon ce système, le 28 février 2025 devient le 28e jour du douzième mois de l’année 6024, puisque l’année 6025 ne commence que le 1er mars. C’est assez peu pratique et peut devenir une source de confusion. Sans parler de l’exercice financier, qui court du 1er janvier au 31 décembre de l’année civile… C’est pourquoi l’usage semble aujourd’hui se généraliser dans la plupart des obédiences symboliques de faire coïncider l’année maçonnique avec l’année civile.

Calendrier maçonnique

 

Mais quels noms de mois mentionne-t-on dans le calendrier maçonnique ? Longtemps, on a utilisé les noms des mois hébraïques. Mais le système n’est pas cohérent, puisque les mois hébraïques suivent une logique lunaire et comptent 29 jours. Il en résulte que le 12e mois (Adar) est périodiquement dédoublé, pour créer le mois VeAdar. Si l’on se contente d’attribuer les noms hébraïques des mois aux mois de notre année, le principe ne présente aucun intérêt symbolique. C’est pourquoi il fut progressivement abandonné. Le Grand Orient de France, par exemple, le fit en 1826.

 

L’usage le plus fréquent aujourd’hui consiste à donner l’adjectif numéral ordinal du jour et du mois, suivi de l’année maçonnique, puis l’on donne la date profane selon l’année civile. Par exemple, on écrira " le 27e jour du 1er mois de l’Année de la Vraie Lumière 6025, soit le 27 janvier 2025, ère vulgaire".

 

L’Année de la Vraie Lumière est la formulation la plus fréquente en français, alors qu’en anglais, on dira volontiers "in the year of masonry". On trouve aussi les formes latines A.L. (Anno Lucis, année de la lumière) ou A.M. (Anno Mundi, année du monde).

 

 

L’origine du calendrier maçonnique

 

L’usage d’un calendrier maçonnique ajoutant 4000 à l’année civile est-il un héritage des anciens maçons opératifs ou des premiers freemasons spéculatifs anglais du XVIIe siècle ? Pas du tout. Cet usage apparaît avec la naissance de franc-maçonnerie moderne, que l’on fixe généralement à la fondation de la première Grande Loge de Londres en 1717. C’est en effet Anderson qui utilise pour la première fois cet usage pour dater ses Constitutions de 1723.

 

Mais quelle pouvait être la signification d’une telle datation ? Certains ont pu y voir le signe d’une tolérance qui voulait offrir un cadre qui ne soit plus déterminé par le seule tradition chrétienne. C’est certainement un peu anachronique, car il n’y a pas de remise question fondamentale de la tradition chrétienne chez Anderson. La tolérance proposée ici concerne le monde chrétien, qui était divisé en plusieurs dénominations depuis la Réforme et il n’était pas encore question d’admettre des membres d’autres religions. Le choix de l’année maçonnique avait bien plus vocation d’affirmer le caractère ancestral et primordial de la franc-maçonnerie, dont l’origine se confond avec la création du monde.

 James Ussher

 

Car c’est bien de l’origine du monde qu’il est question ici. La franc-maçonnerie s’est ici inspirée de la datation fixée par James Ussher (1580-1656), archevêque d’Armagh et Primat d’Irlande au sein de la communauté anglicane. Ce prélat protestant avait publié entre 1648 et 1654 trois ouvrages sur la chronologie biblique et il était arrivé à la conclusion que le monde avait été créé 4004 ans avant J.-C., et plus précisément à la tombée de la nuit qui précède le 23 octobre ! Cette datation fut très longtemps tenue pour vraie par les milieux protestants anglo-saxons et n’est plus guère admise par quelques milieux fondamentalistes et créationnistes. Il est amusant de noter que jusque dans les années 1990, les éditions de la traduction en français de la Bible par John Nelson Darby (1800-1882) comportaient encore une note de pied page indiquant "4004 avant J.-C." pour le premier verset de la Genèse. Cette note a disparu de l’édition de 1996.

 

C’est bien la théorie d’Ussher qui fut adoptée par la franc-maçonnerie du XVIIIe siècle, en arrondissant 4004 à 4000, pour simplifier le calcul. Ce faisant, les francs-maçons ne cautionnaient aucune forme de fondamentalisme biblique, mais se contentaient de suivre le consensus généralement admis. Ce n’est en effet qu’à partir du XVIIIe que les géologues commencèrent à réaliser que le monde était beaucoup plus ancien qu’on l’avait cru jusque alors. Les francs-maçons n’avaient pas voulu fixer un dogme pseudo-scientifique, mais entendaient bien plutôt affirmer que la franc-maçonnerie est dans son principe aussi ancienne que le monde, quel que soit l’âge de ce dernier.

 

Les autres calendriers maçonniques

 

Le calendrier maçonnique inspiré des théories de James Ussher, s’il est le plus répandu, n’est pas pour autant le seul. D’autres calculs chronologiques ou d’autres références historiques ont inspiré d’autres calendriers maçonniques. En voici quelques exemples :

 

Le Rite Écossais Ancien Accepté avait choisi de suivre la datation du monde de la tradition hébraïque, qui le fait remonter à 3760 ans avant J.-C., et non 4004. Ainsi, il fallait ajouter 3760 à l’année civile. Ce système n’est plus guère utilisé.

 

D’autres dates ne concernant pas la création du monde ont aussi inspiré des calendriers maçonniques.

 

Le calendrier de l’Arche Royale commence en 530 avant J.-C., date habituellement retenue pour la reconstruction du Temple par Zorobabel. L’ère sera exprimée par A.I., Anno Inventionis, c’est-à-dire année de la découverte, en référence à la découverte de la voûte secrète.

Dédicace du Temple de Jérusalem, d’Andrea Michieli (1542-1617)

 

Le Royal and Select Master commence sa chronologie à 1000 ans avant J.-C., soit à la dédicace du Temple de Salomon. On parle alors d’Anno Depositionis (A.D.), pour rappeler le dépôt de l’Arche de l’Alliance dans le Temple.

 

Quant aux degrés Templiers (Stricte Observance Templière, Knight Templars), leur datation débute avec la fondation de l’Ordre du Temple en 1118. Dans ce cas, il faut bien sûr soustraire et non additionner 1118 à l’année courante. Il est alors question d’Anno Ordinis (A.O.), année de l’Ordre.

 

L’utilité des calendriers maçonniques

 

Les calendriers maçonniques ont-t-il réellement une utilité ? Sur le plan pratique, certainement pas, bien au contraire. Leur intérêt est essentiellement symbolique et nous parle de la manière dont la franc-maçonnerie se situe dans le cours de l’histoire. Elle entend par là à se rattacher à quelque événement fondateur qui la légitime.

 

Un regard superficiel pourrait considérer le calendrier maçonnique comme une simple coutume folklorique. Mais il n’est pas plus folklorique ou ridicule que de porter un tablier et de manier un maillet et un ciseau dans une Loge !

 

03 fevereiro, 2025
Etiquetas: Symbolisme