INTERVIEW EXCLUSIVE

Q : Qu'est-ce qui vous a inspiré à devenir écrivain, et comment avez-vous commencé votre parcours d'écriture ?

Je ne suis pas véritablement un écrivain, c’est-à-dire un auteur d’œuvres de fiction. J’ai dans mes tiroirs quelques romans ou contes plus ou moins inachevés, quelques poèmes et beaucoup de haïkus, mais je n’ai jamais rien fait éditer. Je suis donc simplement un modeste chercheur qui écrit. Mes travaux publiés remontent à plus de quarante ans, mais j’avais commencé à écrire (des bleuettes, des historiettes) dès le lycée.

 

Q : Pouvez-vous nous parler de votre parcours maçonnique et comment cela a influencé votre écriture ?

Aucun humain n’est le produit d’une seule appartenance. Comme tout un chacun, je suis le produit de multiples héritages, influences et confrontations, de ma famille, de mon épouse, de mon enfance varoise, de mes études primaires, secondaires et supérieures, de mon environnement, de la Méditerranée, de mes voyages, de ma culture protestante, de mes choix politiques successifs, de mes options philosophiques et spirituelles, de mes lectures, de l’art, de mes rencontres, de mes amis, de mes antagonistes, de mes réussites, de mes échecs, de ma profession, de mes ouvertures, de mes blocages, de mes espoirs déçus ou pas, de mes phantasmes, de mes engagements, de mes quêtes, de mon parcours initiatique et bien d’autres choses, sans compter que tout individu agit autant qu’il est agi. Déterminer la part de chacun est chose impossible. Il faut se méfier de celui qui n’a écrit ou lu qu’un livre, comme nous y invite Thomas d’Aquin : Timeo hominem unius libri (Je crains l’homme d’un seul livre).

 

Q : Quel est votre processus d'écriture ? Avez-vous des routines ou des rituels spécifiques qui vous aident à entrer dans l'état d'esprit de l'écriture ?

L’écriture est un art empirique, évolutif et capricieux. Le plus souvent, je m’assois à mon bureau. Plus jeune, je fumais la pipe. Parfois j’écoute de la musique classique ou des œuvres lyriques. La présence des chats m’aide. Le bruit me crispe. Depuis plusieurs années, j’écris en marchant dans la forêt. Pas après pas, le récit se construit dans ma tête. Arrivé à la maison, je transcris lesdites phrases et pensées, mais avec l’âge, hélas, j’en ai oublié quelques-unes dans les feuilles des arbres.

 

Q : Avez-vous des conseils pour les écrivains en herbe qui débutent et qui souhaitent améliorer leur art ?

Travaillez, prenez de la peine. Polissez et repolissez l’ouvrage. Ne vous découragez pas. Moquez-vous des critiques des jaloux. Ecoutez les conseils avisés. Restez à votre hauteur. Cherchez des sujets appropriés. Il n’y a pas de recettes narratives, ni de prêt-à-porter de l’écriture. Ecrivez beaucoup. Lisez encore plus. A noter que je n’ai pas vraiment de compétence pour conseiller un écrivain en herbe. A la réflexion, ce qui précède peut servir à un(e) jeune chercheur(euse), mais j’ajouterai volontiers quelques points supplémentaires pour lui (elle) : partir d’une problématique ouverte en se souvenant que, comme le précise le philosophe anticonformiste austro-britannique Karl Poppers, une théorie est dite scientifique quand elle est réfutable. Oublier parfois facebook, non pour ses erreurs, mais parce qu’il va vous orienter en fonction de vos présupposés. Être prêt à revoir ses a priori. Eviter le discours militant même entre les lignes. Se rappeler que la recherche obéit à des règles scientifiques (même dans les sciences humaines).


Q : Quels défis avez-vous rencontrés en tant qu'écrivain et comment les avez-vous surmontés ?

N’étant pas écrivain, je n’ai pas eu de défis à affronter. Pour les écrits de travaux de recherche, la difficulté est de tirer un texte clair et précis pour tous, d’une masse (et parfois d’une rareté) de documents.

 

Q : Avez-vous des livres ou des auteurs préférés qui ont influencé votre style d'écriture ou qui vous ont inspiré dans votre propre travail ?

J’ai quelques rares livres de chevet comme La Bible ou l’Odyssée, mais la majorité de mes lectures sont des ouvrages de sciences humaines. Pour ma charpente, beaucoup d’auteurs (Sun Tzu, les stoïciens, Ibn Arabi, Montaigne, Marx, Nietzche, Levinas, Ricoeur et j’en passe). Au théâtre ; Phèdre (Racine) et Cyrano (Rostand). Pour toutes les littératures, Hugo. Pour le style en français, je suis très classique : Jean Racine, Chateaubriant, André Gide, Marcel Pagnol et Marguerite Yourcenar.

Mais pour ma construction intellectuellement strictement personnelle, je dois une mention particulière aux instituteurs de l’école primaire de mon village natal, a nombre de mes professeurs de lycée et plus tard à feu l’historien Maurice Agulhon, professeur au Collège de France, à feu l’anthropologue et ami Bruno Etienne, président-fondateur de l’Observatoire du religieux (IEP Aix-en-Provence) et au sociologue Jean Baubérot, ancien président de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (Paris-Sorbonne).

September 15, 2023
Tags: Interview