Si dans le grand public, la Franc-maçonnerie est surtout associée à l’Équerre et au Compas, les maillets maçonniques, moins visibles de l’extérieur, y jouent un rôle prépondérant, dès le premier grade. Cela a suscité la création de magnifiques maillets maçonniques généralement en bois, parfois avec une tête d’ivoire, souvent richement décorés de motifs gravés ou incrustés. Le Maillet est également souvent représenté sur les Tapis de Loge, sur les Tabliers maçonniques, sur les gants maçonniques et autres objets et accessoires.

 

À l’origine, le maillets maçonniques est bien évidemment un outil opératif employé par les  Bâtisseurs. On s’en sert pour le travail du bois et de la pierre, et il y a en fait plusieurs maillets maçonniques ou marteaux différents dans les métiers de la construction. On pourrait citer le maillet de tailleur de pierre ou de sculpteur, à la tête en forme de cône tronqué; le maillet de menuisier, à tête plate; le têtu des tailleurs de pierre, à tête plate d’un côté et coupante de l’autre; la laye, proche du têtu, avec une tête dentelée; la masse, à lourde tête de fer, presque cubique… La Franc-maçonnerie spéculative va guère n’en garder que trois. Le maillets maçonniques à tête cylindrique et plate aux extrémités est le plus utilisé dans la Franc-maçonnerie continentale européenne. Au Rite anglais Emulation, la tête du maillets maçonniques est plate d’un côté et tranchante de l’autre, affectant un peu la forme d’un petit bateau; il s’agit vraisemblablement d’une stylisation de la laye ou du têtu. Enfin, la Maçonnerie de la Marque utilise un maillets maçonniques de tailleur de pierre à tête tronconique.

 

En Franc-maçonnerie, le Maillet est utilisé de deux manières différentes. En tant qu’outil, toujours associé au Ciseau, il est révélé à l’Apprenti dès son initiation. On lui apprend que c’est à l’aide de ces deux outils qu’il doit apprendre à dégrossir la Pierre Brute, c’est-à-dire à travailler sur lui-même, pour retirer progressivement les aspérités morales, psychiques et mentales, et espérer devenir symboliquement une Pierre Cubique parfaite. Le Maillet, actif, peut alors être compris comme un symbole de la volonté, de la force d’âme et de la détermination, alors que le Ciseau, passif, représenterait le discernement, la réflexion la finesse de l’esprit. Les coups portés sur la Pierre seraient donc le fruit de l’action conjointe d’une polarité action-réflexion ou corps-âme. En tant qu’outil, toujours joint au Ciseau, le Maillet se retrouve dans la cérémonie de réception du grade de Compagnon dans la plupart des Rites.

 

Mais il est un autre usage du Maillet en Franc-maçonnerie. Il est le symbole du pouvoir temporel du Vénérable Maître de la Loge, assisté du Premier et du Second Surveillants. C’est pourquoi ces trois Officiers disposent d’un Maillet, avec lequel ils frappent les batteries, c’est-à-dire les coups rituels qui ouvrent et ferment les Travaux maçonniques. Dans ce cas, le Maillet n’est pas associé au Ciseau: il est utilisé seul, en tant que symbole de pouvoir et d’autorité. D’où lui vient cet usage? De l’usage premier du Maillet, certainement, qui permet de frapper un coup fort et bruyant, très utile pour présider une assemblée nombreuse. On n’a pas de preuve écrite que cet usage remonte aux confréries de Maçons de moyen âge, mais c’est tout-à-fait vraisemblable. Par contre il est des plus probable que l’usage américain de doter les présidents d’assemblées (comme le Sénat et la Chambre des Représentants) ou de tribunaux d’un Maillet est d’origine maçonnique, quand on connaît le rôle de la Franc-maçonnerie dans le développement des institutions américaines. Le marteau du commissaire priseur, connu également en France et dans d’autres pays européens, semble lui aussi dériver de l’usage des tribunaux américains, et serait donc peut-être d’origine maçonnique.

 

On pourrait imaginer d’autres origines, plus mythologiques. Pas sûr que les Francs-maçons du XVIIIe siècle, dont les références étaient essentiellement bibliques, y aient pensé consciemment. Mais l’inconscient collectif des peuples permet certainement des réminiscences de très anciennes traditions et coutumes. Dans de nombreuses mythologies, le Maillet ou le Marteau est l’attribut d’un dieu, souvent lié à l’orage et à la foudre. On pense ainsi au Thor scandinave, au Sucellos gaulois ou au Dagda irlandais. Le Maillet a dans ces mythes le sens d’une force à la fois créatrice et destructrice. 

 

En Franc-maçonnerie, le Maillet est bien sûr un outil au service de la force créatrice, dans les mains du Vénérable Maître et des Surveillants en signe d’autorité, et manié par les Apprentis et les Compagnons pour se construire eux-mêmes. Mais n’oublions pas qu’il peut devenir un instrument de destruction et de mort, comme le rappelle la légende du troisième grade.

 

 

October 26, 2023