Les Lumières et la Lumière en franc-maçonnerie
Entre tradition et innovation
La Lumière est omniprésente dans le symbolisme et les rituels de la franc-maçonnerie. Elle est symbolisée de plusieurs manières dans la Loge, représentée par différents objets ou personnes, qualifiée parfois de Petites Lumières ou de Grandes Lumières. Et l’expression "recevoir la Lumière" est devenue synonyme de l’initiation maçonnique. D’où proviennent donc ces usages et que signifient-ils ?
Les Lumières dans l’ancienne freemasonry spéculative
Les Lumières de la Loge apparaissent dans la première freemasonry spéculative anglaise, antérieure à la Grande Loge de Londres de 1717. Les catéchismes symboliques maçonniques écossais et anglais qui nous sont parvenus sont malheureusement datés de l’extrême fin du XVIIe siècle ou du début du XVIIIe, mais ils reflètent certainement des usages rituels maçonniques du XVIIe siècle.
Le thème de la Lumière, ou des Lumières dans la Loge, est présenté de différentes manières, qui ne sont pas encore les formes adoptées ultérieurement par la franc-maçonnerie moderne, mais qui les annoncent clairement. La principale manière d’aborder ce thème est évidemment solaire. On évoque ainsi le Soleil qui se lève à l’est et se couche à l’ouest.
La marche solaire est parfois complétée par le sud, pour signifier le Soleil à son apogée. D’où les trois fenêtres souvent mentionnées dans la description symbolique de la Loge, à l’est, à l’ouest et au sud. Les Trois Lumières et les trois fenêtres semblent souvent se confondre. Et les Trois Lumières de la Loge sont parfois identifiées à trois personnes, par exemple, le Maître, le Compagnon de Métier et le Surveillant.
Les Lumières dans la franc-maçonnerie moderne
La franc-maçonnerie moderne va progressivement fixer le symbolisme et la terminologie relatifs aux Lumières, avec cependant des différences entre les Rites maçonniques. On distingue ainsi souvent entre les Grandes Lumières, les Petites Lumières et les Luminaires.
Dans beaucoup de rituels du Rite Écossais Ancien Accepté, par exemple, les Trois Grandes Lumières désignent l’Équerre, le Compas et le Volume de la Loi Sacrée, les Trois Petites Lumières, les Trois Piliers Sagesse-Force-Beauté et les Trois Luminaires, le Soleil, la Lune et le Maître de la Loge (ou le Delta Lumineux).
Dans tous les cas, les Lumières de la Loge représentent des fonctions symboliques et rituelles, reliées allégoriquement à la lumière naturelle (Soleil et Lune), mais évoquant des valeurs, des connaissances, un ordre, une orientation sacrée, une hiérarchie.
Les Lumières ou la Lumière ?
Les Lumières, ce n’est pas encore LA Lumière. C’est dans la franc-maçonnerie moderne, après 1717, que l’initiation fut comprise comme une découverte de la Lumière, et on ajouta un élément capital à la cérémonie de réception : le bandeau sur les yeux, dont la chute devient le point culminant de l’initiation.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, cette pratique était inconnue de l’ancienne Maçonnerie du Mot de Maçon pratiquée par les Maçons Acceptés en Écosse et de la première freemasonry spéculative anglaise, remontant toutes deux au XVIIe siècle.
La réception d’un Maçon écossais au XVIIe siècle nous est connue par le manuscrit d’Édimbourg de 1696 : le centre de la cérémonie est la transmission du Mot de Maçon (soit les noms des deux Colonnes du Temples de Salomon), assortie d’un serment et de cérémonies visant à impressionner le récipiendaire. Aucune allusion à des yeux bandés ni à une quelconque réception de la Lumière.
Du côté anglais à la même époque, aucun rituel ne nous dévoile la cérémonie de réception, mais nous en avons quelques connaissances grâce à une description assez sommaire qu’en donne Robert Plot dans son ouvrage Natural History of Staffordshire, 1686. Robert Plot, premier conservateur de l’Ashmolean Museum d’Oxford, n’était pas franc-maçon, mais il était proche d’Elias Ashmole, qui est considéré comme une figure importante de la freemasonry anglaise.
Son témoignage, bien qu’indirect, est tout à fait digne de foi. Qu’y apprenons-nous ? Que l’essentiel de la cérémonie consistait en la transmission de certains signes secrets par lesquels les francs-maçons se reconnaissent entre eux. Cette cérémonie était apparemment très proche de la transmission du Mot de Maçon en Écosse. Un seul détail particulier est mentionné : le candidat doit offrir des gants aux Maîtres qui vont le recevoir, ainsi qu’à leurs épouses, et payer une collation qui est servie avant la cérémonie. Mais, là encore, aucun bandeau sur les yeux n’est mentionné.
Les premières formes de réception d’un franc-maçon spéculatif devaient probablement reproduire les cérémonies des Maçons opératifs, mais au lieu de transmettre des secrets professionnels, on transmettait des secrets symboliques, tels les noms des colonnes du Temple. Ce qui faisait le franc-maçon, c’était la possession de ces secrets, et non la réception de la Lumière.
Apparition du thème de la réception de la Lumière
Il est difficile de définir précisément à quelle date et où la signification de la réception maçonnique s’est transformée pour devenir une initiation plus spirituelle qu’opérative, dont l’apogée est la chute du bandeau et la réception de la Lumière. Les premières divulgations de rituels appartenant à la tradition de la Grande Loge de Londres de 1717 (le Manuscrit Wilkinson, 1727, et le fameux Masonry Dissected de Samuel Pritchard, 1730) ignorent encore le bandeau et la réception de la Lumière. Ces deux documents se contentent de parler des Lumières de la Loge, à la manière des anciens catéchismes symboliques de la freemasonry spéculative.
Mais il est sûr qu’au plus tard en 1737, l’usage du bandeau lors de l’initiation maçonnique était connu de la franc-maçonnerie française, comme l’atteste le fameux rapport du lieutenant de police Héraut, qui décrit avec précision la réception d’un franc-maçon. Et le plus ancien rituel maçonnique de langue française connu (le Manuscrit de Berne, vers 1740-44) décrit également cet usage. C’est donc dans le courant des années 1730 que ce thème a été introduit dans les rituels maçonniques, peut-être en France. Ce faisant, les francs-maçons entendaient sans doute rapprocher la franc-maçonnerie des Mystères de l’Antiquité, auxquels on commençait beaucoup à s’intéresser.
Les deux visages de la Lumière
Mais de quelle Lumière parle-t-on alors dans ces rituels maçonniques ? La franc-maçonnerie du XVIIIe est un phénomène à deux faces. La première, rationaliste et philosophique, verra dans la Lumière l’image de la Raison, qui triomphe des ténèbres de l’ignorance et des superstitions. La seconde, mystique et illuministe, y reconnaîtra la Connaisance supérieure et spirituelle du divin.
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