Le tarot et la franc-maçonnerie, ces deux traditions aux racines profondément ancrées dans la tradition occidentale, nous fascinent par la richesse de leur symbolisme. Bien qu’il s’agisse de deux réalités tout à fait distinctes, tarot et franc-maçonnerie partagent des symboles communs et nous orientent tous deux vers la quête de connaissance, l'initiation et la transformation personnelle. Cet article explorera les liens entre le tarot et la franc-maçonnerie, en mettant en lumière comment les arcanes du tarot peuvent servir de miroir aux enseignements maçonniques, révélant ainsi des vérités cachées sur l'âme humaine et son chemin vers l'illumination. Nous y découvrirons également que des francs-maçons ont joué un rôle dans le développement du tarot en tant que pratique ésotérique et que leur apport a largement dépassé les limites de la franc-maçonnerie.

 

Tarots & Jeux - Nos Colonnes Boutique maçonnique

Les origines du tarot

 

Le tarot, tel que nous le connaissons aujourd'hui, trouve ses origines en Europe au cours du XVe siècle, mais ses racines peuvent être retracées jusqu'à des influences plus anciennes, notamment celles de l'Égypte des Mamelouks.

 

Les Mamelouks, qui étaient une dynastie militaire d'origine essentiellement turque et circassienne, ont régné sur l'Égypte de 1250 à 1517. Leur influence culturelle et économique a été significative, notamment grâce aux échanges commerciaux et aux contacts culturels entre l'Europe et le monde islamique. Cela a conduit à une circulation d'idées, de symboles et de pratiques entre ces régions.

 

On considère généralement que les jeux de cartes, qui ont été introduits en Europe à partir du monde indo-musulman et persan, pourraient avoir été influencés par des jeux de cartes utilisés par les Mamelouks. Les cartes mameloukes, appelées "naïb" ou "karuta", comportaient des motifs et des symboles qui semblent avoir inspiré les premières formes de tarot.

 

Trois cartes du tarot - Visconti-Sforza - 1445 - Blog maçonnique Nos Colonnes Boutique Maçonnique

Trois cartes du tarot Visconti-Sforza, vers 1445

 

Le tarot est attesté pour la première fois en Italie, où il était utilisé à l'origine comme un simple jeu de société. Les plus anciens jeux de tarot connus, généralement nommés "tarocchi", ont été ainsi créés en Italie dans les années 1440. Il faut noter qu’on les nommait parfois "naibi", qui fait clairement référence aux "naïb" mameloukes.

 

Les premiers jeux de tarot comprenaient généralement 56 cartes de quatre couleurs (bâtons, coupes, épées et deniers) et 22 cartes d'atout, qui étaient appelées "trionfi". Ces cartes d'atout sont devenues plus élaborées au fil du temps, et leur symbolisme a évolué. Les quatre couleurs, dites aussi enseignes, sont dites latines, et c’est celles qui sont encore utilisées de nos jours dans les jeux de cartes espagnols et dans certains jeux italiens. Depuis qu’il est utilisé d’une manière divinatoire et ésotérique, les 56 cartes des couleurs ont pris le nom d’arcanes mineurs, tandis que les 22 atouts sont qualifiés d’arcanes majeurs.

 

Le tarot divinatoire et ésotérique 

 

Simple jeu de société à l’origine, le tarot semble avoir été utilisé à des fins divinatoires dès le XVe siècle, comme des auteurs tels que Pic de la Mirandole (1463-1494) le laissent supposer. Mais cet usage ne semble n’avoir guère concerné que la haute société pendant la Renaissance.

 

Le tarot n’a d’ailleurs jamais cessé d’être un jeu de société, particulièrement en France, où il reste l’un des jeux de cartes les plus populaires. On y joue avec des cartes modernes spécifiques, qui, hormis leur nombre, ne correspondent plus aux anciens tarots et utilisent les enseignes françaises (cœur, carreau, trèfle, pique).

 

La cartomancie connut un nouvel essor en France à la fin du XVIIIe siècle, plus précisément dans la vingtaine d’années qui précéda la Révolution. En effet, elle se popularisa dans les années 1770 grâce à Jean-Baptiste Alliette, surnommé Etteila (1738-1794), dont on sait peu de choses : selon les sources, il était coiffeur, perruquier, marchand grainier ou marchand d’estampes. Il fit imprimer un jeu de 32 cartes divinatoire (le Petit Etteila) et publia plusieurs ouvrages sur la cartomancie. Après avoir découvert le tarot grâce aux travaux de Court de Gébelin, il en publia sa propre version en 1788 (le Grand Etteila).

 

Antoine Court- Gébelin - Blog maçonnique Nos Colonnes Boutique Maçonnique

 Antoine Court de Gébelin

 

Si la cartomancie en général s’était popularisée dès les années 1770, celui qui donna ses lettres de noblesse au tarot à proprement parler fut le pasteur Antoine Court de Gébelin (1728-1784). Son père, prénommé également Antoine, était pasteur à Nîmes et s’était réfugié à Lausanne en Suisse pour échapper aux persécutions contre les protestants, réactivées par la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685. Antoine Court père fut en 1729 le principal fondateur du Séminaire Français de Lausanne, une école de théologie destinée aux futurs pasteurs français et fonctionnant en marge de l’Académie de Lausanne, fondée en 1537. Son fils suivit les cours de l’Académie et, devenu pasteur, enseigna au Séminaire Français, avant de quitter Lausanne en 1763. Retourné en France, il s’y consacra à défendre les droits de la communauté protestante. En 1778, il fut reçut franc-maçon et fréquenta plusieurs loges, dont la célèbre loge Les Neuf Sœurs, où il fut particulièrement actif. L’œuvre majeure de Court de Gébelin, qu’il commence à publier à partir de 1775, n’a rien à voir avec le protestantisme: il s’agit de "Le Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne", œuvre monumentale, dont seuls les neuf premiers volumes parurent et dans lequel il entendait décrypter les allégories cachées dans toutes les mythologies alors connues.

 

C’est dans le huitième volume, publié en 1781, que Court de Gébelin s’intéresse au Tarot. Il y voit une sorte Bible en image, un livre secret qui nous transmettrait la sagesse des anciens Égyptiens. Il n’hésite d’ailleurs pas à le qualifier de Livre de Toth, du nom du Dieu égyptien de la sagesse et du verbe, assimilé à l’Hermès des Grecs. Mais l’on se souvient que si l’Égypte ancienne était particulièrement à la mode dans le monde maçonnique du XVIIIe siècle, l’on en connaissait alors que les descriptions des auteurs grecs. Le Pierre de Rosette, découverte en 1799, ne fut traduite qu’en 1822, et tout ce qui a pu être écrit sur la tradition égyptienne avant cela est évidemment sujet à caution. Comme nous l’avons vu plus haut, l’Égypte dont le tarot semble provenir n’est pas celle des pharaons, mais l’Égypte médiévale des Mamelouks.

 

S’il n’est pas certainement pas l’inventeur de la cartomancie, Court de Gébelin n’en reste pas moins le propagateur du tarot à l’époque moderne. Ses recherches sur le tarot furent poursuivies par différents auteurs du XIXe à nos jours, dont plusieurs étaient francs-maçons.

 

Quelques exemples de tarots maçonniques

 

Si le tarot traditionnel le plus fréquemment utilisé fut longtemps le Tarot de Marseille, qu’avant 1830 on qualifiait simplement de Tarot italien, d’illustres francs-maçons ou membres d’ordre ésotériques créèrent leurs propres cartes, qui sont encore largement utilisées de nos jours.

 

Le premier qui nous vient à l’esprit est le tarot créé en 1889 par le franc-maçon et ésotériste suisse Oswald Wirth (1860-1943), à la demande de Stanislas de Guaita (1861-1897). Wirth était un théoricien de l'ésotérisme, et son travail sur le tarot est profondément influencé par ses intérêts dans ces domaines.

 

Quatre cartes du tarot - Oswald Wirth - Blog maçonnique Nos Colonnes Boutique Maçonnique

Quatre cartes du tarot d’Oswald Wirth

 

L'originalité du tarot d'Oswald Wirth réside dans son approche symbolique et philosophique. Il a cherché à réinterpréter les 22 arcanes majeurs du tarot en y incorporant des significations ésotériques et cabalistiques, ainsi des symboles alchimiques, tout en conservant une structure qui permet une lecture traditionnelle. Son tarot, qui reste graphiquement très proche du Tarot de Marseille, est caractérisé par des illustrations riches en symboles qui visent à évoquer les archétypes universels et les leçons spirituelles. Wirth a publié deux ouvrages sur le tarot, "Le Livre de Thot comprenant les 22 arcanes du Tarot" (1889) et "Le Tarot des imagiers du Moyen Age" (1927), dans lesquels il explique ses conceptions et son interprétation des cartes.

 

On pense également au tarot connu sous le nom de Rider-Waite-Smith, qui est l'un des jeux de tarot les plus populaires et influents au monde. Son origine remonte au début du XXe siècle, lorsqu'il fut créé par l'illustratrice Pamela Colman Smith 1878-1951) et le franc-maçon mystique Arthur Edward Waite (1857-1942), tous deux membres de l’Hermetic Order of the Golden Dawn, un Ordre initiatique maçonnico-rosicrucien fondé en Angleterre en 1888.

 

Waite, franc-maçon et membre de la Societas Rosicruciana in Anglia, présida lHermetic Order of the Golden Dawn en tant que Grand Maître de 1903 à 1914. C’était un écrivain qui avait une profonde connaissance des traditions mystiques et ésotériques. En 1909, il décida de créer un nouveau jeu de tarot qui refléterait la spiritualité de son ordre. Il choisit Pamela Colman Smith, dite Pixie, une artiste et illustratrice, pour en concevoir les illustrations. Pixie était aussi membre de la Golden Dawn et avait une approche unique de l’art, intégrant des éléments symboliques dans ses illustrations.

 

Douze cartes du tarot - Rider-Waite-Smith - Blog maçonnique Nos Colonnes Boutique Maçonnique Boutique Maçonnique

Douze cartes du tarot Rider-Waite-Smith

 

Le tarot Rider-Waite-Smith fut publié pour la première fois en 1909 par l'éditeur Rider & Co. à Londres. Le jeu se compose de 78 cartes, dont 22 arcanes majeurs et 56 arcanes mineurs, chacune illustrée de manière à capturer des significations profondes et des concepts ésotériques. Ce qui distingue le tarot Rider-Waite-Smith des autres jeux de tarot, c'est que les cartes des arcanes mineurs sont illustrées, et non seulement celles des arcanes majeurs. Cela a permis d’enrichir le symbolisme des arcanes mineurs et d’en rendre la lecture plus intuitive.

 

Le tarot Rider-Waite-Smith a eu une influence considérable sur les jeux de tarot qui ont suivi, particulièrement dans le monde anglo-saxon. De nombreux jeux modernes continuent à s’inspirer de son iconographie très caractéristique, en l’imitant, le parodiant ou le détournant. Le tarot Rider-Waite-Smith représente une synthèse d'art, de mysticisme et de psychologie, et continue d'être une référence incontournable dans le monde des tarots modernes.

 

Au XXe et au XXIe siècle, on vit naître plusieurs autres tarots maçonniques, parmi lesquels celui de Jean Beauchard (1988) et celui de Patricio Diaz Silva (2016). La caractéristique de ces tarots est qu’ils intègrent explicitement le symbolisme maçonnique à leur iconographie.

 

Tarot et franc-maçonnerie, deux approches complémentaires

 

Le Tarot et la franc-maçonnerie sont deux réalités distinctes, qui ont chacun leur propre histoire, leur propre symbolisme et leur propre dynamique. Pourtant, ils se rejoints au cours de leur histoire respective, et de nombreux francs-maçons ont reconnu dans le tarot un système symbolique organisé compatible avec le leur. Franc-maçonnerie et tarot évoluent en effet dans le monde du symbolisme universel et puisent tous deux dans l’inépuisable fond de l’inconscient collectif et de ses archétypes.

 

Six cartes du tarot maçonnique - Patricio Diaz Silva - Blog maçonnique Nos Colonnes Boutique Maçonnique

 Six cartes du tarot maçonnique de Patricio Diaz Silva

 

Le franc-maçon se sentira rapidement en terrain connu en abordant le tarot. Il ne sera guère surpris d’y retrouver des symboles qui lui sont familiers. Le Soleil, la Lune et l’Étoile lui rappelleront immanquablement les symboles qu’il contemple dans sa Loge. Il reconnaîtra aisément la Force, et s’il est membre du Rite Écossais Rectifié, il sera heureux de retrouver deux autres vertus cardinales, qui sont la Tempérance et la Justice. Le Pendu, renversé et perdant les sous de sa poche, lui évoquera l’abandon des métaux, l’Ermite portant sa faible lanterne lui rappellera sa descente dans le Cabinet de Réflexion et sa découverte du V.I.T.R.I.O.L.. Sans oublier les quatre couleurs, ou enseignes, des arcanes mineurs : elles symbolisent les quatre éléments, les Coupes pour l’Eau, les Bâtons pour le Feu, les Épées pour l’Air et les Deniers pour la Terre, autant d’éléments qui lui paraîtront familiers.

 

Le tarot et la franc-maçonnerie ne se confondent pas, mais peuvent offrir des voies complémentaires aux chercheurs de Lumière, car le tarot est utilisé non seulement pour la divination, mais aussi comme un outil de développement personnel et de réflexion. Les cartes peuvent être perçues comme un miroir de l'âme, permettant aux utilisateurs d'explorer leur subconscient et d'obtenir des éclairages spirituels ou psychologiques sur leur vie. Cela est valable pour tout un chacun, qu’il soit franc-maçon ou non.

 

Tarot Égyptien - Nos Colonnes Boutique maçonnique

 

17 marzo, 2025
Etiquetas: Symbolisme