La Voûte en franc-maçonnerie
La franc-maçonnerie se basant sur la tradition des bâtisseurs, donc sur une symbolique architecturale, il serait surprenant que les rituels maçonniques n’abordent pas d’une manière ou d’une autre la Voûte et son élément central, la Clé de Voûte. Mais force est de constater que le thème de la Voûte est absent des rituels maçonniques des trois premiers grades. On y traite bien plus des structures verticales et horizontales, au travers d’outils tels que la Perpendiculaire et le Niveau. Tout au plus la Voûte est-elle peut-être suggérée au troisième grade, où l’on apprend que le Maître est passé de l’Équerre au Compas. L’association d’une structure carrée (évoquée par l’Équerre) et d’une structure arrondie (induite par le Compas) pourrait en effet suggérer une Voûte, mais ce point n’est pas développé ici. On ne retrouvera la notion de Voûte que dans les rituels maçonniques de certains hauts grades ou side degrees. Cependant, le terme Voûte apparaît bien dans les rituels et les cérémonies des trois grades symboliques, dans des sens qui ne sont pas architecturaux. De quelle Voûte parle-t-on donc dans les rituels des grades symboliques ? Et comment la Voûte est-elle traitée dans les hauts grades ?
La Voûte Étoilée
Si elle est installée dans un local qui lui est spécialement consacré, la Loge comporte le plus souvent un plafond qui représente le firmament et qu’on nomme Voûte Étoilée. Elle rappelle que la Loge s’assemble symboliquement à l’extérieur du Temple, comme cela apparaît dans de nombreux anciens catéchismes maçonniques, à commencer par le plus ancien qui nous soit parvenu (le Manuscrit d’Edimbourg, 1696), où l’on peut lire : "Q. Où se tint la première Loge. R. Dans le Porche du Temple de Salomon."
Mais la Voûte Étoilée est aussi là pour signifier que la Loge (et donc la franc-maçonnerie) est universelle et se confond même symboliquement avec l’univers. Sa présence illustre les questions sur la hauteur de la Loge que l’on retrouve dans la plupart des catéchismes depuis les années 1700 : "Q. Quelle hauteur a votre loge ? R. Des pouces et des empans sans nombre. Q. Qu'est-ce à dire, sans nombre ? Des cieux matériels au firmament étoilé" (Manuscrit Dumfries n°4, vers 1710).
Le Temple orné d’une Voûte représentant le ciel n’est d’ailleurs pas l’apanage de la franc-maçonnerie. On retrouve ce symbolisme dans de nombreux temples de l’Antiquité de même que dans des églises chrétiennes. Le lieu sacré de nombreuses traditions semble donc être relié à l’univers, au macrocosme dont il serait un microcosme. Parfois, le temple est organisé autour de l’axis mundi, soit le ligne mystérieuse qui relie le terre et le ciel et autour duquel tourne le monde en un mouvement incessant. Dans la Loge maçonnique, cet axis mundi peut être figuré par un Fil à Plomb suspendu au-dessus du Pavé Mosaïque, indiquant ainsi le Centre.
La Voûte d’Acier et la Voûte Humaine
Les francs-maçons connaissent une autre Voûte, qui n’est guère utilisée que pour accueillir dans la Loge un Dignitaire qui la visite. Il s’agit de la Voûte d’Acier. Deux rangées de francs-maçons qui se font face lèvent leur épée de manière à former un tunnel virtuel sous lequel passe le cortège qui conduit le Dignitaire l’Orient.
Ce rituel, qui signifie la loyauté et la protection, est d’origine chevaleresque et militaire, et on le retrouve souvent à la sortie de l’église lors du mariage d’un militaire. Il s’est imposé dans la franc-maçonnerie sous l’influence des Loges militaires et peut-être aussi des hauts grades chevaleresques qui se sont développés au cours du XVIIIe siècle.
Il faut remarquer que l’épée n’est pas forcément indispensable pour signifier la protection que l’on veut offrir. La Grande Loge Féminine de France (et sans doute d’autres Grandes Loges Féminines) a remplacé la Voûte d’Acier par une version moins martiale, la Voûte Humaine, pour laquelle les
Sœurs étendent simplement leur main, bras élevé. La signification reste la même. Même chez les militaires, l’épée ou le sabre, rarement portés aujourd’hui, sont souvent remplacés par le képi ou la casquette, brandis de la main droite.
La Voûte dans les hauts grades
Ce n’est que dans certains hauts grades maçonniques que l’on retrouve la Voûte en tant qu’élément architectural, soit en tant que dôme, soit en tant qu’arc. Au 13e degré du Rite Écossais Ancien Accepté, on s’assemble théoriquement dans une Voûte souterraine, une crypte de couleur blanche, soutenue par neuf arches et à laquelle on accède par une trappe placée au sommet de la Voûte. On retrouve une Voûte similaire au 14e degré, mais cette fois-ci de couleur rouge.
Symboliquement, cette Voûte s’apparente à la caverne, lieu où s’exercent secrètement les forces telluriques, lieu de gestation et de (re)naissance. La caverne représente également le cœur de l’homme, c’est-à-dire son intériorité, ou même son inconscient. La descente dans la caverne peut donc à la fois signifier la mort symbolique qui précède nécessairement la naissance à un plan de conscience supérieur, et le travail d’introspection qui répond au traditionnel "Connais-toi toi-même" qui sous-tend tout travail initiatique, et plus généralement toute démarche de développement personnel.
Sur le plan symbolique, la seule différence entre la caverne et la crypte et que la première est naturelle et la second œuvre humaine. La crypte, où Voûte souterraine, est le fruit d’une connaissance de mystérieux mécanismes de l’âme humaine, c’est un artifice humain, un athanor sciemment construit. Elle révèle la capacité qu’a l’Homme de se donner les moyens de son évolution spirituelle et non de se contenter sur suivre la Nature. D’un point de vue maçonnique, la crypte est sans doute symboliquement plus forte que la caverne, car elle montre un Homme capable de construire activement le chemin de son élévation.
Au degré de Royal Arch anglo-saxon, on mentionne aussi cette Voûte souterraine secrète, mais il apparaît aussi une clé de voûte, que le candidat doit desceller pour accéder à la crypte. Cette Clé de Voûte n’appelle pas plus de développement à ce grade. Par contre, c’est au degré de Maître de la Marque que la Clé de Voûte devient le centre de la cérémonie. Trois pierres sont représentées, une cubique, une oblongue et une clé de voûte. Les deux premières sont acceptées, parce que conformes aux plans. La clé de voûte est d’abord rejetée et mise au rebut, car elle semble inappropriée. Puis vient le moment où le Vénérable cherche la pierre indispensable pour réaliser la Voûte. Alors la Clé de Voûte est retrouvée et son caractère indispensable reconnu. Le 22e verset du Psaume 118 est alors cité ("La Pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la Pierre de l’Angle"), assimilant explicitement la Clé de Voûte à la figure du Christ. Au cours d’une cérémonie très différente, le Chevalier Pontife du Tau, l’un des hauts grades chevaleresques de l’Ancien Rite Oriental de Memphis, découvre lui aussi la dimension christique de la Clé de Voûte, quoique d’une manière plus ésotérique voire gnosticisante.
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