Les épées maçonniques
Pour beaucoup de francs-maçons européens, les épées maçonniques font naturellement partie des rituels qu’ils pratiquent, où elles sont omniprésentes. Dans certains Rites (Rite Français Traditionnel, Rite Écossais Rectifié…), tous les Maîtres portent l’épée en Loge Symbolique, et dans pratiquement tous les Rites continentaux, le Vénérable Maître est muni d’une épée que l’on dit flamboyante du fait de sa lame ondulée. Mais ce n’est pas le cas de la franc-maçonnerie anglo-saxonne, pour laquelle les épées sont réservées à certains Side Degrees, mais absentes des Loges symboliques, à l’exception de l’épée du Tuileur. Pourquoi cette différence ? Quelle est l’origine de cet engouement de la franc-maçonnerie européenne (particulièrement française) pour les épées ? Et que peut bien signifier la présence d’épées dans un Ordre qui se réclame de la tradition des bâtisseurs ?
L’épée protectrice
Le premier usage de l’épée en Loge est évident, et nul besoin de nous y attarder trop longtemps. L’épée est une arme, offensive certes, mais également défensive.
Aucun symbolisme particulier, juste l’affirmation qu’il faut protéger la Loge et les travaux maçonniques des indiscrétions des profanes. C’est pourquoi dans tous les Rites maçonniques, qu’ils soient anglo-saxons ou continentaux, le ou les Officiers chargés de garder la porte de la Loge (Tuileur, Couvreur) sont armés d’une épée.
L’épée, signe d’égalité
Le port de l’épée par tous les Maîtres en Loge est une particularité le franc-maçonnerie française, puis plus largement européenne. Cet usage avait une signification sociologique et permettait d’affirmer l’égalité qui règne entre les francs-maçons. En effet, dans la société d’Ancien Régime, le port de l’épée dans la vie civile était un privilège exclusif de l’aristocratie, et plus particulièrement de la noblesse dite d’épée. Car dès le XVIIe siècle, on distingua entre la "noblesse d’épée", c’est-à-dire la noblesse traditionnelle héritière de l’ancienne classe guerrière, et une nouvelle réalité, la "noblesse de robe", c’est-à-dire les nobles qui s’engageaient dans une carrière administrative ou judiciaire et qui, du fait de leurs études universitaires, portaient la robe académique.
Au vu du nombre de nobles qui fréquentaient les Loges, il était hors de question d’exprimer l’égalité autrement que par le haut. La franc-maçonnerie française tournait ainsi un peu le dos aux souvenirs de la franc-maçonnerie opérative, ce que ne fit jamais la franc-maçonnerie anglo-saxonne. Ce dédain pour la tradition opérative se manifesta également par le fameux Discours du Chevalier de Ramsay en 1736, qui faisait des francs-maçons les descendants des Croisés et ouvrait ainsi la voie au développement foisonnant des hauts grades maçonniques. Quand on était franc-maçon, on devenait l’égal d’un noble, on descendait des Croisés, des Templiers, des mystérieux Rose-Croix, des alchimistes… C’était plus prestigieux que de se dire héritiers d’humbles ouvriers du bâtiment!
L’Épée Flamboyante
L’Épée Flamboyante que porte le Vénérable dans la plupart des Rites maçonniques continentaux est quant à elle le fruit d’une élaboration symbolique plus approfondie. Le point de départ de cette élaboration fut la fonction protectrice de l’épée du Tuileur ou du Couvreur.
Dans une société encore largement chrétienne, à quoi pouvait faire penser une épée dont la fonction est d’empêcher l’accès à un lieu sacré ? À la fameuse Épée flamboyante brandie par les Chérubins chargés de garder le Jardin d’Eden après la Chute (Genèse 3, 24). Mais alors, il aurait été plus logique d’armer le Tuileur ou le Couvreur d’une Épée Flamboyante et non le Vénérable. Cette idée a probablement été envisagée, comme en témoigne le broderie en forme d’Épée Flamboyante qui orne parfois le sautoir du Couvreur dans certains Rites (en particulier le Rite Écossais Ancien Accepté).
Mais la symbolique de l’Épée s’est enrichie d’une autre interprétation : plusieurs textes bibliques considèrent l’Épée comme un symbole du Verbe divin, à la fois créateur, destructeur et vivificateur. La franc-maçonnerie va donc faire de l’Épée Flamboyante le vecteur d’une transmission, celle de la Connaissance initiatique.
Si l’Épée Flamboyante appartient de plein droit au Vénérable dans plusieurs Rites maçonniques, c’est qu’elle juxtapose les deux interprétations bibliques et se voit donc attribuer une double fonction : celle de garder l’accès à la Connaissance en tant que réalité transcendante, et non plus seulement à la Loge en tant que lieu, et celle de transmettre cette Connaissance à celui qui s’en est montré digne.
À la suite de Jules Boucher (La Symbolique maçonnique, Dervy, 1948, pp. 63s), on pourrait se demander s’il ne serait pas judicieux que le Vénérable se serve d’un Épée Flamboyante uniquement pour les cérémonies de réception, et utilise une épée normale le reste du temps. La richesse symbolique de l’Épée Flamboyante serait ainsi mieux mise en évidence.
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